Mona Chollet, Sorcières, la puissance invaincue des femmes
2018, Zones, La Découverte, lu en numérique, 253 p.
Ce livre est un livre militant, non pas un document “techniquement” historique, même s’il part d’un fait avéré dans l’histoire. Il évoque la vision de la femme et ses conditions de vie dans le monde patriarcal.
Loin de prétendre à l’objectivité, Mona Chollet dit explicitement qu’il est impossible de retracer de manière exhaustive tous les faits, de donner tous les chiffres et que donc, elle propose ses réflexions à travers ses lectures. Elle ne manquera pas de rappeler sa subjectivité et son engagement féministe par ailleurs, qui la dédouaneront de toute critique d’escroquerie littéraire.
On peut ne pas d’accord avec tout ce qu’elle défend, ou réfute, ou propose, mais son analyse permet de comprendre les bouleversements actuels, dus à la libération de la parole des femmes
Son analyse s’appuie sur la dichotomie et l’exacerbation jusqu’à la caricature des deux pôles sexuels, des deux rôles genrés.
D’un côté : l’homme comme pur esprit (l’esprit étant séparé du corps auquel il est supérieur (voir Descartes)), il représente la raison dont découle l’autorité, le positivisme, la technicité (« la masculinité de la science inaugure une ère nouvelle » (p 208)), et engendre le progrès.
De l’autre côté, la femme : un corps proche de la nature dont la violence et les ressources doivent être contrôlées, nature dont elle tire ses émotions par les sens mais dont les signaux (d’alerte) et l’aspect intuitif relèvent de l’inexplicable ou de la magie, ce qui la retient dans l’obscurantisme.
Pour faire court (je ne reprendrais ni les thèmes du livre ni le bien-fondé de la thèse principale), la conclusion pessimiste du livre pourrait être la suivante : comment justifier l’injustifiable ? (la chasse aux sorcières, la haine des femmes) afin de promouvoir une ère de progrès (capitalisme effréné) : « tuer les femmes anciennes pour fabriquer l’homme nouveau » selon Guy Bechtel. Et la conclusion optimiste serait : il faut réformer en vue de construire « un monde où la libre exultation de nos corps et de nos esprits ne serait plus assimilée à un sabbat infernal » (p 248).
Quoi qu’il en soit, malgré les clichés et leur degré de véracité ou de fausseté, « Il est illusoire de prétendre à une rationalité pure, débarrassée de tout affect » selon Michel Hulin (p 238).