Stéphanie Hochet, William
2023, Rivages 182 p.
Ayant assisté à l’entretien que Stéphanie Hochet a accordé à Antoine Boussin lors du Festival International des Écrits de Femmes 2023, j’ai acheté le livre sur le stand qui lui était réservé, attendant de le faire dédicacer par son autrice qui m’avait fait bonne impression par son aisance et sa culture.
Recommandé par ledit présentateur, qui n’est autre que l’ex-directeur commercial de Grasset qui organise et anime désormais des rencontres littéraires, le roman m’inspirait également par son thème, étant donné que j’ai moi-même fait des études anglophones et travaillé bien évidemment sur Shakespeare. Je n’ai pas eu ma dédicace, l’autrice étant partie très rapidement du festival.
Quoi qu’il en soit, William de son patronyme Shakespeare, est un roman d’un genre un peu différent. Livre d’initiation, d’apprentissage et livre sur la culture livresque, il alterne le « je » narratif et la troisième personne du singulier omnisciente. Il fait également des allers et retours de la vie de la narratrice à celle du jeune dramaturge, du présent au passé qui, associés au décalage entre un sujet « classique » et une écriture moderne donne à la lecture un tour somme toute loin d’être académique. Qui plus est, la familiarité avec laquelle l’autrice parle de son « sujet » : William, prénom qu’elle abrège en Will, nous rend son histoire plus proche encore.
Se mêlent au thème central de la fuite, l’ambiguïté de l’identité (androgynie), le rêve et le désarroi au milieu de l’incompréhension familiale violemment attaquée. Stéphanie Hochet joue sur le parallèle des situations pour imaginer les ressentis de celui qui se voyait comédien, comme une sorte d’exutoire à ses propres désirs et frustrations. Elle choisit la littérature, comme le comédien a choisi le théâtre, pour se glisser dans la peau de celle qu’elle veut être. L’écriture remplit les « blancs » quand l’imagination remplace « les années perdues ».
Citations :
– p 39 : ” Ce n’est pas la destination ou ce que je vais faire une fois arrivée qui m’égaie, c’est le voyage, la fuite dans le paysage. »
– p 49 : « Dans une société où la moindre couleur, le moindre tissu étaient soumis à une règle et destinés aux privilégiés, seul le théâtre permettait la libération, la transgression, le jeu. »
– p 55 : « Je cherche le sens. Ce sens vieux de quatre siècles, je le puise dans mes perceptions, et mes déductions. Dans cette épreuve, tant d’interprétations personnelles. »
– p 86 : « Tout y est faux, les costumes ne sont pas des vêtements, les décors sont des imitations, les situations sont inventées comme les personnages qui n’ont jamais existé et pourtant rien n’est plus vrai et les mots des artistes parlent au cœur des hommes. J’aime que l’illusion soit notre dernière révélation. »
– p 116 : « Voilà ce qu’aime Will dans ce métier : jouer comme s’il créait du réel, au point de faire disparaître la notion d’illusion. »
– p 129 : » J’ignore si ce comédien a eu une telle influence sur lui, mais j’aime à l’imaginer. Ici, il s’agit de nouer les faits historiques à la fiction, et de prendre des libertés critiquables pour quiconque rechigne aux élucubrations. »
– p 130 : « Je l’ai imaginé fou de jalousie de son frère – licence poétique. L’époque ne nous dit pas grand-chose sur lui, la romancière se glisse dans les blancs et invente ce qu’elle veut. »
– p 179 : « Le voyage est bien la seule libération à toutes les souffrances de cette vie terrestre. »
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