Colette au jardin, Texte de M.C. Clément, Photographies d’A.…
1998, Albin Michel, 192 p.
J’ai acheté ce livre sur un des stands du marché aux livres à l’occasion du F.I.E.F., 11e Festival international des Écrits de Femmes, organisé à Saint-Sauveur-en-Puisaye, les 14 et 15 octobre 2023 (voir article ici).
Les très nombreuses citations rassemblent ce que Colette a dit sur le jardin et tout particulièrement dans les ouvrages consacrés à sa passion du végétal tels que « Flore et Pomone », « Pour un herbier », etc. Ces citations, élégamment tissées dans une langue fluide nous parlent, comme aurait pu le faire Colette à une amie, de ces fleurs auxquelles elle donnait l’exclusivité (p 141). Elles animent la magie des mots, des noms savants et appellations communes, que les énumérations égrènent dans une sorte de litanie païenne. Les répertoires font surgir des « portraits » individuels.
Des photos en noir et blanc de Colette dans la vie courante nous la rendent plus familière encore. Elles sont complétées par de magnifiques compositions de fleurs et de bouquets réalisées par André Martin. Le photographe utilise très largement la technique du flou artistique afin d’alléger l’abondance des fleurs tout en leur donnant un effet de mystère et une touche de romantisme.
Ce grand album se compose de trois parties : “Le jardin de l’enfance” (Saint-Sauveur), “Le jardin d’Éden” (Saint-Tropez) et “Le jardin imaginaire” (Le Palais Royal) : trois lieux (trois résidences) emblématiques situés à trois moments cruciaux de la vie de l’écrivaine : l’enfance, la maturité et les derniers jours.
La rédaction met en valeur les traits de Colette : l’insatiable curiosité en matière horticole comme littéraire, un athéisme teinté de sacré en ce qui concerne toute création, végétale y compris, ainsi qu’un besoin de solitude et de silence quand elle veut se reposer et ne pas « périr suffoquée » (p 94), elle qui pense que « la présence, en nombre, de l’être humain fatigue les plantes », elle qui est trop « sensible[s] au son des voix » (p 95).
Son respect de la nature est comparable à son exigence des mots, doublé d’un amour qui lui est bien rendu. La simplicité dans ses manières comme dans sa langue d’écriture préfère les noms vulgaires des plantes, plus évocateurs. Un besoin de liberté, tant dans sa vie que dans son attitude envers le jardinage la détourne des règles et des modes, lui procurant un charme qui séduit autant par l’authenticité de la femme que de l’écrivaine. C’est la raison pour laquelle elle privilégie les courbes déliées du jardin dit à l’anglaise à la rectitude autoritaire du jardin à la française. Nous retrouvons cette propension dans son style. En effet Colette a le blanc en horreur (p 91) et déroge à la mode qui encense le «White Garden» de Vita Sackville-West. Collette par son côté impressionniste aime trop la couleur et la lumière (p 91), signes de joie et de vie (voir mon essai ici).
Exaltée par toute naissance promesse d’avenir, son jardin est « un orage compact de verdure, et de fleurs (p 94). Il est à l’image d’une femme pleine de vivacité et de détermination.
Citations :
– p 75 : « La vie débute le jour où l’on commence un jardin. » Proverbe zen.
– p 91 : « En aucun cas, son jardin ne serait monochrome et surtout pas blanc. La mode des années 1930 où le blanc, par « contagion », avait gorgé les jardins de spirée, d’arums, de glaïeuls blancs et de roses également blanches, rappelle trop des « funérailles de jeune-fille »… Mais dans son jardin impressionniste, […] et, comme ces peintres novateurs, elle sera particulièrement sensible aux jeux de lumière sur les fleurs selon les différents moments du jour. »
– p 133 : « Un jardin fermé, à la mesure humaine, une perspective ouverte, encadrée d’arbres, ainsi se trouvaient une nouvelle fois réunies les caractéristiques essentielles du jardin aimé par Colette. »
– p 147 : « Je reste froide à l’agonie des corolles. Mais le début d’une carrière de fleur m’exalte. »