Jean Anglade, Le Voleur de Coloquintes
Presses-Pocket, 352 p
Baptiste Pascal est né en 1916, il vit près de Thiers en Auvergne dans un village appelé Saint-Rémy-sur-Durolle, à la ferme des Bessières. C’est un enfant de paysans qui, après le certificat d’études est employé comme enfant de peine puis chiffreur à la Caisse d’Épargne.
Après remise de son salaire à ses parents, il demande 5 francs pour acheter des livres qu’il lira ensuite à ses collègues. Il aide ses anciens camarades et apprendra facilement la langue allemande. Doué, il aurait pu progresser mais la guerre est arrivée. Il a conscience que « toute [s]on existence (…) sera faite de cette cendre », qu’il ne sera qu’une poussière.
Jean Anglade fait du récit d’une vie simple, un roman de terroir aux descriptions sans états d’âme. La vision de Sang-de-Choux est innocente du début à la fin, sans reproches, sans amertume et sans méchanceté. En revanche, elle allie la légèreté de l’humour à la clairvoyance. Le ton est gouailleur, d’une grossièreté terre à terre, combinant patois, argot et expressions du cru : « crucifix ! ». « Sang-de-choux » et « Sang-de-Patate » ne le vexe pas plus que « face de pet » ou « sagouille ». Il en est de même pour les nationalités sans distinction et sans mépris “racial” : il y a les boches, les sidis, mais aussi les franzouses.
Le parler est « oral » et mélange les langues (français et allemand). En fait, l’écrivain fait « parler » son personnage quand il invoque un « tu ». S’adresse-t-il au lecteur ? : « Comme tu vois, j’ai donc trois sortes d’ivresse » (p 174) ; ou à lui-même ? : « je me disais (…) : voilà une heure qui ne laissera aucune trace en toi. »(p 104). Ou bien s’adresse-t-il à lui-même en espérant un éventuel lecteur (comme le ferait un écrivain ?).
Cependant, il n’aura jamais la « prétention » d’écrire : il se considère toujours comme un paysan qui « suit le mouvement », comme son père. Dans son milieu, lire est une maladie (p 113), c’est un « microbe dans la cervelle, qui [l]e pousse à lire comme ça ».
Le récit alterne entre la France et l’Allemagne où l’a conduit la guerre de 1940-45. Prisonnier, il aura alors l’occasion de retourner à la terre et s’attachera à la forêt allemande. Dépourvu du « goût » des femmes, qu’il appelle aussi « femelles », il prodiguera son amour aux arbres « le sapin l’avais pris en amitié » et aux animaux (les biches), dans un panthéisme et un esprit d’universalité.
Sang-de-Chou fait partie de ceux qui « ont toujours en terre un pied, l’autre n’en est pas loin » comme Rabelais le dit dans Le Quart Livre, cité en exergue.