
Commentaire sur : Le Prix Landerneau 2019
(voir l’article dédié à chaque auteur)
Les quatre finalistes sont :
Par les routes de Sylvain Prudhomme (Gallimard),
Les petits de Décembre de Kaouther Adimi (Le Seuil),
Mur Méditerranée de Louis-Philippe Dalembert (Sabine Wespieser),
Murène de Valentine Goby (Actes Sud).
Sur les 4 livres :
On a beaucoup parlé de témoignage sur les handicapés, sur les migrants, sur la guerre (d’Algérie) et sur la difficulté d’être.
Il y a ceux pour qui lire doit être une détente, un amusement, une prolongation de leur vie (où ils peuvent éventuellement s’identifier au héros), une aventure qui se termine bien. Il y a ceux (dont je fais aussi partie) pour qui lire leur apporte une connaissance du monde et des gens, d’autres vies et d’autres choix, qui lisent des livres de toutes sortes auxquels ils n’ont pas nécessairement besoin de s’identifier pour se projeter dedans et pour apprendre ce qu’ils ne savent pas, soupçonnent ou voient confirmer avec contentement ou stupeur.
Les premiers donc pensent qu’un livre ne peut pas être un meilleur témoignage qu’un reportage, seul garant de la véracité des faits. Les seconds croient que le témoignage n’est pas toujours transmissible et recevable et peut être aidé par une petite part de fiction qui préserve l’anonymat de la personne et la liberté de sa parole (voir spécialement mon article sur Murène).
Quel livre soutenir ?
Je soutiens un livre pour le thème (la cause) qu’il met en avant et celle qui est sous-jacente, pour l’émotion reçue au cours de ce partage tant au niveau du sens que des sens, pour l’originalité (la différence) qui me surprend au niveau du style d’écriture comme dans la composition de livre.
Ici, ce que j’ai dégagé en définitive, c’est le thème de la liberté : la liberté de mouvement, de déplacement, du choix de vie. La première chose pour obtenir ou conserver cette liberté étant le corps, un corps entier ou pas, avoir un corps nous permet d’être indépendant. Quand on sait et veut se servir de son corps, on peut gagner cette liberté d’action, on peut (presque) tout faire : se balader (Prudhomme), s’exiler (Dalembert) ou faire la révolution (Adimi), enfin vivre selon son choix (et selon ses contraintes propres ou extérieures, Goby). La dignité passe par la tête mais aussi par le corps, de toute évidence.
Au niveau de l’expérience de jurée :
Il est curieux de constater que les débats sont rarement courtois. Entre gens de “bonne éducation” réunis par la littérature, je m’étonne encore des commentaires de certains jurés: l’année dernière, il y a eu des critiques insultantes sur les auteurs et cette année, entre jurés.
Exemple :
W: “je trouve les commentaires de certains un peu trop prétentieux . Nous votons ici pour le meilleur ressenti de quatre romans , il n’est pas utile selon moi de faire de longs discours avec ces mots et des phrases trop condescendants à mon goût…”.
X :”j’ai l impression que certains ont raté leur vocation….en tout cas, ca me rassure de savoir que je ne suis pas seul!!!on peut aimer bouquiner sans se prendre pour un chroniqueur littéraire de France inter…”
W : “Ahhhh!! Ouf ! Je ne suis pas seule !!! Que c est désagréable toutes ces personnes qui se prennent pour des critiques littéraires !!!!!!!
Y: “un certain nombre de ces pseudo pros doivent avoir un ego surdimensionné ! Un peu d humilité ne nuit pas!!!!!”
Z:”prendre pour des “pros” de la critique. Ce n’est pas, je pense , ce que l’on attend de nous”.
J’ai envie de dire: “Restons tolérants, nous sommes tous là pour la même chose, il n’y a ni compétition, ni intérêt financier en jeu, essayons d’apprendre les uns des autres et de ne pas nous agresser verbalement”.
Et puis, ne sommes-nous pas dans un jury littéraire? Pas au bistrot du coin! N’attend-on pas un peu plus de nous que les j’aime-j’aime pas que j’ai laissés pour ma part à la fin du CP ?
Ce genre de piques contre les soit disant « pros » (qui n’ont pas répondu pour ne pas envenimer les choses) de la part des soit disant « non pros » (qui veulent le rester) est dommage. Chacun s’exprime à sa manière (spontanée ou réfléchie) et ne devrait pas être en butte à l’intolérance/jalousie/mépris de ses confrères/sœurs…), rien que de l’ego, absolument hors de propos!
Chacun se débrouille pour faire le choix le plus juste possible. La spontanéité, c’est bien, mais ça reste un peu confus parfois. On peut analyser quelques critères plus “objectifs” pour soutenir tel livre et pas tel autre (le thème qu’il porte, l’actualité du thème, le style, l’originalité par rapport à de précédentes lectures, etc.). Bien d’autres ressentis peuvent être mis en balance pour déterminer une réelle préférence.
Il y a des gens qui préfèrent ne rien savoir des commentaires des autres avant de lire le livre, de rentrer dans le livre avec un regard neuf, sans même lire la quatrième de couverture avant (après, peut-être, pour voir). Quand j’achète un livre, seul le titre ne peut donner une idée juste. Mais pour un prix littéraire, il n’est pas nécessaire d’en connaître davantage.
Pour ma part, j’écris le titre du livre avant mon commentaire, comme ça si on n’a pas lu le livre ou si on ne veut pas lire mon commentaire, on est averti et on passe au suivant.
Si j’aimerais avoir plus de détails sur la sélection, avoir une statistique des votes, une “tendance” des jurés, le classement final, par exemple, c’est parce que je m’intéresse au monde de l’édition. Il y a douze personnes tirées au sort qui en savent plus que celles qui n’ont pas eu cette chance et je n’en fais pas (encore?) partie.
Pouvoir lire des romans que nous n’aurions peut-être pas choisis nous-même nous pousse à sortir de notre zone de confort – qui nous fait acheter le même type de livres -, nous ouvre de nouveau horizons. Je souhaite donc que ce Prix gagne en visibilité au profit des auteur.es et des lecteurs/lectrices.
Le lauréat est: Sylvain Prudhomme pour Par les routes.
J’ai été un peu surprise. Pendant les débats, il avait de mauvais commentaires à part quelques « coups de cœur ». Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences…