
Gilles Legardinier, Pour un instant d’éternité
2019 FLAMMARION, 576 pages.
Si la problématique n’est pas exactement originale (la quête du trésor des templiers, les sociétés occultes), l’histoire est bien organisée, pleine de rebondissements et bien documentée sur la période historique dans laquelle elle se situe (L’Exposition universelle, l’attraction de la tour Eiffel, la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre en cours…).
L’écriture est claire, fluide et agréable pour mener une intrigue qui met en jeu un autre thème : celui des passages secrets et des automates.
On se laisse emporter par le mouvement, le suspense et la curiosité, comme l’enfant qu’on était et qu’on retrouve entre ces lignes.
Les valeurs morales émergent entre le bien (les gentils) et le mal (les méchants), et l’artisan qui aidait à cacher les secrets parfois inavouables de ses clients inverse le processus en révélant ceux qui ont été sauvegardés pour de plus nobles causes.
De même, le héros solitaire s’entoure d’une famille de cœur sinon de sang. Sa maturité accompagne la métamorphose de la société au tournant du siècle.
Gilles Legardinier profite de l’occasion pour dénoncer des bouleversements qui aujourd’hui semblent bien moins positifs qu’ils ne le sont apparus à l’époque.
Le titre (répété dans le texte) éclaire sur le désir improbable (en l’état actuel des choses!) de remonter dans le temps, et chimérique de laisser une trace indélébile… La transmission entre générations restant la forme humaine de l’éternité car elle procure, quoi qu’il en soit, « cette enivrante sensation de vivre au-delà de tout. »
Citations:
– p 325-6 : « La découverte de la maison de Nicolas Flamel lui avait offert l’un de ses plus puissants instants d’éternité. Ni les peurs qui se liguaient pour l’entraver, ni les incertitudes qui pesaient alors sur leur avenir n’avaient réussi à le priver de cette enivrante sensation de vivre au-delà de tout. »
– p 327 : « c’est peut-être là son drame : il ne sait ni oublier, ni fermer les yeux. Même les paupières baissées, il distingue encore clairement tout ce qui les guette. »
– p 569 : « Le meilleur des passages est celui dont on ne soupçonne pas l’existence. »[…] « Un bon passage doit jouer avec les illusions de celui qui regarde. » […] « Le déclenchement doit toujours s’effectuer par un moyen inattendu. » […] « Les énergies qui assurent le mouvement du mécanisme d’un passage doivent être intemporelles. » […] Le fonctionnement d’un passage doit être réversible, sinon ce n’est pas un passage. » (p 569, 570) […] « Le secret d’un bon passage ne doit jamais tomber dans l’oubli. » (p 606).