
Anouk Shutterberg, La Nuit des fous
2023, Éditions Récamier, 361 p.
Livre reçu dans le cadre de l’opération Masse Critique Privilégiée de Babelio dont je remercie les organisateurs et les organisatrices ainsi que les éditions Récamier.
Le préambule nous propose d’écouter une playlist de références musicales pour accompagner chaque chapitre. Je l’ai écoutée. Elle donne une dimension supplémentaire dans le sens où elle procure une ambiance sonore/musicale (celle choisie par l’autrice) qui se veut en adéquation avec la teneur du récit à ce point de son évolution (et de son moment d’écriture pour l’autrice). Aspect cinématographique et culture contemporaine de l’écouteur à l’oreille, il n’empêche que chacun reste libre de lire ce texte en se créant son propre environnement mental.
Ceci dit, ce troisième thriller d’Anouk Shutterberg reprend quelques personnages et évènements qui se sont passés dans les opus précédents sans que ce soit un handicap pour la présente lecture. L’enquête du commandant Jourdain alterne avec l’histoire de la prochaine victime d’un couple démoniaque donnant ainsi un souffle à l’intrigue et maintenant le lecteur ou la lectrice en alerte: curiosité d’une part et empathie de l’autre.
Les découvertes macabres se succèdent et forment un rébus littéraire démentiel assez original bien que sa source apparaisse assez bénigne. Mais la logique n’est pas la même pour tout le monde, tant s’en faut! La complexité des indices intrigue et entretient le mystère. L’imbroglio des personnages sortant tout droit d’un film satanique se dénoue dans une chute finale allant de Charybde en Scylla.
La langue de l’autrice se caractérise par des phrases courtes. Les retours à la ligne saccadent un style très oral, moderne, employant abondamment les grossièretés devenues hélas courantes dans le quotidien (non seulement des policiers, mais aussi du monologue personnel et des interactions familières). La description de la scène de sexe et de l’accouchement est très détaillée sans nécessité absolue, mais renforce le côté violent et extrême d’un polar bien noir comme on les fait aujourd’hui. La psychologie des personnages semble tomber sous le sens (enfance maltraitée, lignée fatale, soumission amoureuse et lâcheté masculine, etc.) et ne conduit pas franchement à des développements particuliers, excepté pour Jourdain. Mais que s’est-il vraiment passé pour Clarisse?
Anouk Shutterberg nous apprend dans sa postface que l’histoire est tirée d’un cas familial. Le choix qu’elle a fait de transformer la réalité en fiction lui concède une imagination débordante. Mais lorsqu’elle dit qu’elle n’a pas voulu « rajouter du pathos au pathos » (p 357), je ne suis pas sûre que ce soit le cas, quand bien même elle n’a pas reproduit les lettres déchirantes de sa tante Bernadette.
Le fait est que ce thriller trépide de rebondissements accablants pour le genre humain, fou ou pas.
Citation(s):
p 244 : “[…] Le médecin précise : troubles associés à une dépression profonde, voire une mélancolie.
Noémie l’interrompt:
– C’est quoi la différence?
– La dépression est une affection psychosomatique occasionnée par une perturbation de l’humeur. La mélancolie, elle, est le niveau le plus élevé de la dépression.”