
Didier Van Cauwelaert, Série Thomas Drimm, La guerre des…
2010, ALBIN MICHEL, lu en numérique, 211 pages.
Par la faute (involontaire) de Thomas Drimm, (13 ans moins le quart), les végétaux sont devenus toxiques et semblent avoir programmé l’extermination des êtres humains. Quel retour de bâton, si je puis dire ! Et en temps de Covid 19 (10 ans après la publication de ce livre), quelle ironie !
Je connaissais Didier Van Cauwelaert pour avoir lu Le journal intime d’un arbre (qui entre dans ma liste ici et dans mon étude sur le végétal ici ). Ce titre m’a donc attirée d’autant qu’il appartenait à un autre genre littéraire (jeunesse, science-fiction) que je n’avais pas abordé jusqu’alors. Sans avoir lu le premier tome (La fin du monde tombe un jeudi), de nombreux rappels m’ont permis de lire le second tome indépendamment.
Manipulations, conflits d’intérêts, complots, jeu politique, la faute de la pandémie est rejetée sur les arbres. Le jeune Thomas en charge de sauver l’humanité est doté de pouvoirs, secondé par la réincarnation d’un esprit hautement scientifique dans un ours en peluche et investi de l’énergie séductrice et héroïque d’un préado surdoué.
Le fantastique se mêle à la science-fiction pour un constat caustique de notre société en train de devenir. En effet, La guerre des arbres commence le 13 a un petit goût amer à la George Orwell (1984) et de La guerre des mondes de H. G. Wells (moins les extra-terrestres au sens littéral), qui s’adresse à la jeunesse (c’est leur avenir), mais que les adultes d’aujourd’hui peuvent lire s’ils n’ont pas peur de culpabiliser (voir la subtile préface de l’auteur, p 5). Cette épopée entremêle aussi des accents de littérature classique (Virgile, Ovide et Les Métamorphoses), philosophique (Hegel), et adolescente (fantasy (épique), film d’animation (cf. Monstres et Compagnie : l’énergie des âmes, côté peur qui se transforme à la fin en énergie de croissance, côté joie, grâce à la musique)). On sent le plaisir que l’auteur a pris à concocter cette version ludique, à l’usage du grand public, faite pour amuser et faire réfléchir…le final restant dans les mains de celui qui tient le crayon afin d’écrire une autre histoire possible.
C’est amusant, c’est dérangeant car ô combien lucide sur les dérives d’une société de consommation inconsciente et avide, en même temps que sur les excès d’un hygiénisme hypocrite. Cette parodie met en évidence avec beaucoup d’humour la nécessité de revoir notre copie environnementale, quand bien même on ne réside pas aux états –uni[que]s.
Citations :
– p 38 : “Tu t’es demandé pourquoi les arbres et les plantes sont devenus nos ennemis? Qui a attaqué en premier, Nicole? La déforestation, les pesticides, les OGM… Les végétaux ont eu beaucoup de patience, mais ils nous remplacerons sans problèmes.”
– p 39 : “Tout a commencé à l’âge de bronze, quand l’alphabet spirituel des druides – chacune des dix-huit lettres était le nom d’un arbre – a été remplacé par l’alphabet commercial phénicien. » (voir Ogham ou écriture oghamique).
– p 40 : « Si les arbres ont programmé notre disparition pour sauver la nature, au nom de quoi leur résister ? »
– p 80 : “Une dictature, Thomas, c’est fait pour empêcher les gens de penser, pas pour comprendre et utiliser ce qu’ils trouvent.”
– p 80 : “Les végétaux réagissent aussi fort aux images mentales qu’à la réalité qu’ils subissent.”
– p 81 : “Comme si l’ignorance était une arme…, soupire-t-il. Elle ne fait que se retourner contre ceux qui l’imposent.”
– p 84 : “Si l’homme retrouve l’amour de la nature, la poésie, la mythologie, l’intelligence qu’elle leur a inspirées, tout n’est pas perdu. C’est le sens de ma présence ici: renouer des liens. Rafraîchir la mémoire des arbres.”
– p 84 : “Rappelez-vous ce que disait Hegel : la pensée végétale est le modèle de la pensée humaine, qui n’est qu’arborescence !”
– p 124 : “La devise des États-Uniques : rouge, noir, Passe et Manque.”
– p 138 : “Et n’oublie pas d’être égoïste. Ne te sacrifie jamais à tes enfants, sinon tu le leur reprocheras toujours. Ne fais pas passer la carrière de ton mari avant la tienne, les relations d’affaires avant l’intimité, le “comme-il-faut” avant le plaisir… Ne finis pas comme moi.”
– p 186 : “La ludocratie. Un monde gouverné par la dictature de la chance, de la paix sécurisée, de l’inculture générale, du formatage et de la surveillance au service du bien-être. Votre monde. Les états–uniques.”