
Delia Owens, Là où chantent les écrevisses
2021, Points, lu en numérique, 435 pages, titre original : Where The Crawdads Sing.
C’est un roman émouvant, on ne peut le nier. L’hymne à la nature est mené de bout en bout avec des descriptions de l’écosystème infiniment précises. La jeune enfant abandonnée au milieu des marais y puise ses forces, ses ressources et un sens à sa vie. Elle est « en lien direct avec sa planète ».
La solitude, l’absence, l’autosuffisance mais aussi l’amitié (et la trahison) la façonne. De rejetée, moquée, oubliée, de la “Racaille du marais” (p 169), elle saura devenir l'”Experte des marais” (p 405). Son handicap se transformera en atout.
Sur la bande côtière de la Caroline du Nord, les mentalités sont lentes à évoluer et les injustices sont ancrées : le bar-brasserie est interdit aux femmes qui commandent à un guichet aménagé à l’extérieur ; les noirs sont discriminés ; etc. Lorsque Chase Andrews (un mâle alpha selon la terminologie scientifique de Catherine Danielle Clark) est retrouvé mort, le shérif soupçonne immédiatement un meurtre, amputable certainement à la “Fille des marais” (p 113), une sauvageonne dont l’agressivité aurait pu être décuplée par la rupture de sa liaison avec l’infidèle jeune homme.
Les deux récits s’entremêlent : l’enquête policière d’un côté, l’histoire de Kya de l’autre, et finissent par se rejoindre dans le procès final inculpant la jeune fille. C’est un procès pour préjugés avant tout, bien que pas forcément absurde, si l’on connait tous les événements.
L’histoire se termine avec deux révélations auxquelles on aura plus ou moins pensé, au sujet du collier et des poèmes.
Le texte n’est pas toujours bien servi par sa traduction. Néanmoins, il y a de nombreux et jolis morceaux poétiques.
Citations :
– p 405 : « Je crois que vous êtes à même d’écarter rumeurs et mensonges. »
– p 408 : « Dûment formée par ces millions d’heures passées sans la moindre compagnie, Kya pensait qu’elle savait ce que « solitude » voulait dire. »
– p 423 : « Tate se rappelait la définition que donnait son père d’un homme : il savait pleurer sans honte, il pouvait lire de la poésie avec son cœur, l’opéra touchait son âme, et il savait faire ce qu’il fallait pour défendre une femme. »
– p 429 : « Presque tout ce qu’elle savait, elle l’avait appris de la nature. Du monde sauvage. La nature l’avait nourrie, instruite et protégée quand personne n’était là pour le faire. Si sa façon de se comporter différemment des autres avait eu des conséquences, celles-ci aussi faisaient partie du noyau dur de la vie. »