
Colette, Le blé en herbe
Flammarion, 1969, 188 p
Phil, 16 ans, et Vinca, 15 ans, amis depuis l’enfance sont en vacances au bord de la mer en Bretagne (à l’instar de l’auteure, ce qui expliquerait la rapidité de l’écriture de ce court roman (159 pages).
Cet été-là, Vinca voit le monde des hommes et des femmes sous un nouveau jour. Phil s’initie de son côté avec une femme plus âgée (un écho de sa propre aventure avec son jeune beau-fils, Bertrand de Jouvenel et une prémonition pour Chéri). Tout habillée de blanc, Mme Dalleray (cf. Dalloway ?) s’évanouira tel un fantôme pour laisser à ces deux jeunes parisiens le temps de comprendre que leur amitié est révolue et qu’elle ne peut qu’évoluer sur le plan sentimental et sexuel.
Le monde de la jeunesse seul importe (les parents, qui ont loué la maison sont surnommés « les Ombres »). Le blé est encore en herbe mais il est en train de mûrir et Vinca (“la pervenche” : “les prunelles, bleues comme la fleur dont elle portait le nom, se voilèrent de cils blonds” (p 40)) est sur le point de fleurir (p 162).
L’amour platonique devient physique. Nous sommes en 1923 et la libération sexuelle n’est pas encore intervenue. Le jeune homme n’a donc pas de problème avec le fait d’avoir des relations amoureuses éphémères alors que Vinca, elle, reste attachée à l’amour “véritable” : ” – Une aventure… répéta Philippe, blessé et flatté. Eh dame ! tous les garçons de mon âge…/ — Il faudra donc que je m’habitue, interrompit Vinca, à ce que tu ne sois, en effet, que « tous les garçons » de ton âge./— Vinca chérie, je te jure qu’une jeune fille ne peut pas parler, ne doit pas entendre… il baissa les yeux, se mordit la lèvre avec suffisance” (p 168).
Si le tabou n’est pas encore levé, la transgression sera consommée sinon assumée. La défloration apparait comme un viol sans brutalité et une soumission sans tendresse : “Elle comprit, et ne manifesta plus qu’un mutisme exaspéré, peut-être excédé, une hâte où elle se meurtrit elle-même. Il entendit la courte plainte révoltée, perçut la ruade involontaire, mais le corps qu’il offensait ne se déroba pas, et refusa toute clémence”(p 183).
La scène, loin d’être obscène ni aberrante choque les conventions de l’époque alors que le passage – littéraire de surcroit – de l’innocence à l’âge adulte est bien marqué.
Ce titre appartient à ma liste « Titres d’ordre végétal » ici
Voir aussi mon article sur la maison natale de l’autrice ici, sur l’album biographique qui lui est dédié ici, sur mon quiz ici et mon essai ici.