
Hélène Bonafous-Murat, Avancez masqués
2018, LEPASSAGE éditions, Lu en numérique, 320 p.
Avancez masqués est le deuxième livre que je lis d’Hélène Bonafous-Murat. Autant La Caravane du pape (voir ici) était un roman historique, érudit et sobre autant celui-ci est différent sur bien des plans.
Je n’avais pas vu l’étiquette « public averti ».La surprise a donc été d’entrée de jeu, et jeux il y a, tout au long du livre. Un jeu très érudit là encore qui s’installe dans le domaine de l’art (j’avais commencé ma critique de La Caravane du pape sur la couverture du livre d’ailleurs : un tableau) et dont on entrevoit les coulisses. Ici, les connaissances des grands maîtres classiques comme des artistes/ plasticiens contemporains font le jeu (là encore) du machiavélisme d’un meurtrier manipulateur qui se cache derrière l’écran d’internet et sous un masque (matériel et moral) dans sa vie physique.
Comme dans La Caravane du pape, il y a un pygmalion : il s’agit d’ailleurs du pseudo avéré de l’interlocuteur d’Olivia Lespert. Dans La Caravane du pape, Leone Allaci rencontre une jeune fille à qui il apprend à lire, écrire et traduire. Il « lui offrira de ce fait, un privilège inespéré (rappelons qu’à cette époque les femmes n’ont pas d’âme et ne sont pas considérées autrement qu’un animal ou qu’une plante) », comme je le rappelle dans mon article.
Dans le présent thriller érotico-psychologico-artistique, la femme est un objet de soumission pour des hommes dominateurs. C’est l’éternelle dialectique du maître et de l’esclave, le manichéisme entre douceur et force, le droit de vie et de mort, se prendre pour Dieu… Clubs secrets et libertins, fantasmes sexuels et morbides peuvent rappeler Sade bien évidemment mais plus récemment E. L. James et ses nuances de gris…et de noir ! Avec plus d’élégance, l’héroïne avoue se laisser troubler par la puissance de ses émotions quand bien même elle qualifie les agissements masculins de pervers. En confrontant la vulnérabilité de la chair et des affects à l’intransigeance moralisatrice, elle pose le problème de la permissivité (voire jusqu’à la pornographie fétichiste et violente) d’un côté, face à une société réactionnaire et hypocrite, d’un autre côté.
Qui jettera la première pierre ? semble nous dire Marie-Madeleine…
Citation:
“Des silhouettes fantomatiques sorties de leur dureté minérale et tout aussitôt recapturées par elle.”
Autres articles sur Hélène Bonafous-Murat :
– Le jeune homme au bras fantôme (lire ici)
– La caravane du pape (lire ici)