
Bernard Pivot : La mémoire n’en fait qu’à sa…
Albin Michel, 225p
Anecdotes de terrain, de jeunesse ou de métier… À remarquer les articles sur « La loi de Peter », la séduction des hommes de pouvoir, les personnages célèbres (Mitterrand, Blixen…), les mots permis ou non dans « les carottes sont cuites » et les tabous évacués (voir la querelle avec Druon ou l’article sur le mot « bandant(e) »), le carambolage sémantique qu’il prône comme le style le plus libre et le plus personnel (« le lecteur attend un mot et je lui en colle un autre. C’est ça le style ! » cf Céline)…
Sur ce dernier point, je me permettrai une petite remarque : j’ai apprécié le style de L. Salvayre (Pas pleurer) : le lecteur est surpris par un mot ou une expression argotique voire vulgaire au milieu d’une phrase standard. En revanche, j’ai moins accroché avec celui de L’automne des chimères de Yasmina Khadra dont les images constantes et les tournures recherchées font perdre du naturel au texte. Aujourd’hui tous les artistes se différencient par leur style, il y a surenchère (écrivains compris) – le monde est un spectacle –, si bien que je me demande si l’effet de mode ( ?) persistera, surtout dans l’écriture (un style forcé peut devenir lassant, lourd, parasite). N’est-il pas plus facile d’avoir du style que d’effacer toutes interférences devant le « passage » du sens ? Un style « pur » n’est pas un style plat ! Pourra-t-on revenir à (s’) effacer (la main qui tient la plume) devant la pertinence des mots ?
Dans La mémoire n’en fait qu’à sa tête, Bernard Pivot se révèle être un gourmand (bonne cuisine, bons restos, bons vins (je ne connaissais pas ce côté personnel de l’animateur du monument “Apostrophe”, émission vue lorsque j’étais plus jeune et qui était pour moi le summum de l’érudition, de l’intellectualisme incollable), mais aussi un sensuel (bonne chair, amoureux romantique et charnel), un accroc à l’actualité (là, moins de surprise vu son métier mais une adéquation parfaite qui ne semble pas forcée), etc. Bref, Bernard Pivot se livre un peu côté privé.