
Simone Schwarz-Bart, Pluie et vent sur Télumée Miracle****
1972 Seuil, 248 p.

La sécheresse et les incendies ravagent le paysage, les récoltes sont infructueuses ou insuffisantes, la famine et la pauvreté désespèrent la population, la mort et la violence rodent partout. Le travail chez les blancs, les injustices morales et sociales, l’alcoolisme, les abandons engendrent souffrances et désolation.
Mais la magie antillaise surgit : les morts parlent aux vivants, les esprits prophétisent et la sorcellerie enveloppe le tout : le bonheur reste à conquérir. Entre courage, sagesse et solitude (rappelant le titre d’André Schwarz-Bart, son mari, p 227 : La mulâtresse Solitude dont de nombreuses rue porte le nom), l’héroïne se débat pour survivre dans un pays qu’elle aime et plaint à la fois.

Simone Schwarz-Bart puise dans l’imagerie et la langue créole la puissance d’un texte qui prend source dans l’eau et le vent, les plantes et les arbres, les fruits de la terre. La poésie portée par les métaphores, le rêve, les croyances incarnées dans chaque chose et chaque personne rend compte du réalisme magique caribéen, une culture orale de contes, de chansons et de traditions ancestrales. Le sphinx reste souvent énigmatique pour les non-initiés mais attise l’intérêt.
Télumée, née pauvre devient au cours d’une vie tumultueuse une vieille dame que l’on respecte car elle a un don, celui d’aimer la vie et de le partager avec les autres. C’est pourquoi, contre pluie et vent « mais tant que le soleil n’est pas couché, tout peut arriver » (p 239), on l’appelle désormais : Télumée Miracle.
À l’occasion d’un voyage en Guadeloupe, j’ai cherché les noms, les lieux et l’atmosphère du livre. Je me suis rendue à la maison d’André et Simone, à Goyave (Basse-Terre). Malheureusement des travaux importants (dont la fin était prévue en 2024) en interdisaient l’accès (voir sur ce site dans la rubrique “Balades et maisons” puis “Maisons, jardins littéraires” les photos de la maison et d’autres liens. Lire aussi mon article sur Un plat de porc aux bananes vertes.)
Citations:
– p 143 : « Il faut croire que quelque chose subsiste après le plus grand des malheurs, puisque les hommes ne veulent pas mourir avant leur temps. »
– p 201 : « L’esclavage est fini : aimez-moi, pourrez pas m’acheter… haïssez-moi pourrez pas me vendre ! »