
Jérôme Chantreau, L’affaire de la rue Transnonain
2025, La tribu éditions, 468 pages.
Je remercie l’équipe de Babelio ainsi que Les éditions de La tribu (Julia et Victoire, pour leur petit mot en plus) pour l’envoi de ce livre.
C’est un autre monde que nous décrit Jérôme Chantreau, celui de l’époque préhaussmannienne avec ses ruelles insalubres, ses bouges, la prostitution, la misère, les insurrections…
Le kaléidoscope livre ses multiples facettes.
Tout d’abord, dans le temps : le roman commence in media res puis va d’avant en arrière, avec même une incursion dans le présent ( !) ; ensuite, dans la forme : l’auteur mêle des éléments historiques avérés, des documents authentiques et une partie romancée (qu’il assume en fin de livre) ; enfin, par les personnages qui s’entrecroisent: Annette Vacher, une jeune prostituée, témoin des événements et recherchée par Joseph Lutz, agent de police des mœurs improbe, au service du gouvernement d’Alphonse Thiers qui réprime au nom de la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe les émeutes organisées par la Société des droits de l’homme. Et Louis Breffort, l’homme par qui tout commence !
Le hasard et la nécessité.
Ce n’est pas de l’« Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne » par Jacques Monod (1970), traitant des avancées de génétique, de biologie moléculaire et de philosophie, dont le titre cite Démocrite : « Tout ce qui existe dans l’univers est le fruit du hasard et de la nécessité » auquel je fais référence. Mais, tout en restant en lien avec la téléologie (étude de la finalité) et l’épistémologie (étude de la connaissance), Jérôme Chantreau démontre combien ces deux éléments (hasard/nécessité) enchaînent leurs conséquences suite à de raisons aléatoires et pourtant prévisibles, engendrant hic et nunc le pire de ce que les hommes ont à prouver.
Ce roman offre une image instructive qu’il sait rendre passionnante d’un fait « divers » historique, assurant un avenir (de papier) à chacun des participants, même aux morts, aux disparus et aux anonymes. L’écrivain remonte le fil du destin des uns et des autres et leur construit une postérité.
Citations :
– p 242 : « N’oublie jamais. Ton corps t’appartient. Ta parole aussi. »
– p 265 : « Derrière l’ironie point l’esprit de Voltaire. Transnonain est devenu le symbole de la violence d’État. »
– p 446 : « Vous êtes mon personnage. Vous êtes cette fille des rues qui vivait là, il y a près de deux cent ans. Je savais bien que vous ne pouviez pas avoir disparu. »