
Nancy Huston, L’espèce fabulatrice
2008 Actes Sud, 197 pages.
Ce n’est pas une thèse ni un discours pas même une dissertation. Ce petit livre sans prétention donc va droit au but : c’est clair, net et précis. Nancy Huston rassemble ses pensées – qui ne sont pas ou plus éparses – et les concentre sur un sujet qui nous tient tant à cœur.
Présentées sous forme de courts paragraphes et de phrases incisives, elles sont juxtaposées et évoluent dans un sens argumentatif. Si l’autrice avance d’un pas ferme et décidé, la lecture reste légère, accessible et riche.
Tout est fiction ! Il convient d’ajouter : pour l’espèce humaine. Car il n’y a pas que le pouce opposable qui nous rend plus forts ou plus intelligents : la fiction fait partie du Soi humain qui nous distingue des autres animaux.
Démonstration est faite qu’elle nous est « vitale » et « consubstantielle » (p 191).
Citations
– p 14 : « Notre spécialité, notre prérogative, notre manie, notre gloire et notre chute, c’est le pourquoi.
– p 15 : « Au commencement, le « verbe » veut dire cela : c’est le verbe (l’action dotée de sens) qui marque le commencement de notre espèce.
– p 17 : « La narrativité s’est développée en notre espèce comme technique de survie. »
– p 30 : « Entée sur ces fictions, constituée par elles, la conscience humaine est une machine fabuleuse… et intrinsèquement fabulatrice. / Nous sommes l’espèce fabulatrice. »
– p 67 : « Nous sommes incapables, nous autres humains, de ne pas chercher du Sens. C’est plus fort que nous. »
– p 100 : « La foi qu’ont des milliards d’êtres humains en une réalité transcendante les inspire, les soutient et les transforme au jour le jour.
– p 158 : « Personnage et personne viennent tous deux de persona : mot emprunté aux étrusque signifiant « masque ». / Un être humain, c’est quelqu’un qui porte un masque. / Chaque personne est un personnage. / La spécificité de notre espèce, c’est qu’elle passe sa vie à jouer à sa vie. »
– p 178 : « La littérature : quitter l’Arché-texte. Dépasser les récits primitifs.
– p 186 : « C’est parce que la réalité humaine est gorgée de fictions involontaires ou pauvres qu’il importe d’inventer des fictions volontaires et riches. »