
Maxime Chattam, Léviatemps
Pocket, Intégrale, 2014, 1149 p.
Il est clair que « Guy voulait contempler l’esprit d’un monstre. / Il voulait plonger dans l’âme du Mal. » (p 265).
Et c’est ce que Maxime Chattam fait avec Léviatemps. Il décortique (ce mot est souvent répété) sa psychologie, s’insérant ainsi dans une lignée d’écrivains tels que Poe, Mathurin ou Mary Shelley qu’il cite lui-même (p 238). L’enquête commence en amateur. Les crimes deviennent de plus en plus répugnants, détails à l’appui, pour une apothéose terrifiante : le léviatemps. Je rappellerais ici que Léviathan (homophone) est un animal marin biblique (serpent, baleine, etc.) qui apparaît dans les Psaumes, le livre d’Isaïe, le livre de Job et le Talmud. Il évoque la destruction des monstres par Dieu, à la fin des temps. Le symbolisme en a imprégné les imaginations et la culture, à l’instar du contrat faustien. On en retrouve de nombreuses présentations dans bien des romans d’aventures, thrillers et productions cinématographiques encore de nos jours. Il est donc question de temps, même si ce thème n’est développé qu’à la fin avec la profession du criminel et son œuvre, il donne le titre au thriller.
L’intrigue repose sur le personnage de Guy de Timée, un écrivain qui cherche l’inspiration en décortiquant (donc) ce qu’il y a dans la tête du psychopathe, en déduit des hypothèses selon des théories émanant des nouvelles sciences humaines (psychologie, langage, graphologie, etc.). Il profile la personnalité du monstre pour identifier la source. De ce fait, il ressemble beaucoup à l’auteur de Léviatemps qui ne cesse de faire des comparaisons entre l’écriture et la recherche de la vérité, en particulier la vérité du Mal. C’est un créneau littéraire qui connait des auteurs tels que Bram Stoker, H. P. Lovecraft jusqu’à Stephen King, Cédric Sire ou Franck Thilliez. Mais ce qui est intéressant au-delà du frisson d’horreur, c’est d’avoir soulevé le fait que si l’empathie est un don, il est dangereux pour la personne qui le possède. Guy est impressionné par le pouvoir de vie et de mort : l’« orgasme divin », quand bien même il se montre assez fort pour accepter avec lucidité ses défauts et repousser ses limites.
Le trio héroïque est un peu caricatural : l’écrivain, la prostituée et le policier. Le style est parfois un peu négligent sur la syntaxe et le vocabulaire, le récit comporte nombre de longueurs. Le dénouement arrive de manière brusque et démesurée dans le spectaculaire et la démence. Mais pour les amateurs, tous les ingrédient sont présents.
Il existe une suite qui clôt le cycle de Les abysses du temps intitulée Le requiem des abysses.
Citations:
– p 151 : « Je veux savoir. Je veux approcher la vérité. Car c’est cela, le fil rouge : un guide vers la vérité. »
– p 225 : « Il était une véritable éponge à émotions, un peu de temps avec un individu et il en absorbait les chagrins et les joies. Et si cela lui permit de rapidement enrichir sa palette de connaissance des sentiments, cette faculté ne le préservait pas, il encaissait de plein fouet toute la misère du monde, et cela ne faisait que renforcer son malaise quant à sa propre existence. »
