
Agatha Christie, Mort sur le Nil, Égypte
Club des masques, 254 p. titre original : Death on the Nile.
J’ai relu ce classique à l’occasion d’un voyage en Égypte, précisément de Louxor à Assouan.
Partie pour une paisible croisière sur le Nil comme Hercule Poirot et afin de découvrir les merveilles de l’Égypte ancienne, j’étais venue aussi pour me détendre, comme les personnages. Mais si mon programme a été chamboulé, ce n’est heureusement pas pour les mêmes raisons que celles qui entourèrent celui du détective belge.
Je n’ai pu manquer de faire la promenade en felouque vers l’île Éléphantine où l’hôtel “The old Cataract” se dresse encore. C’est ici qu’en 1933, Agatha Christie résida dans une suite où elle écrivit plusieurs chapitres de son chef-d’œuvre Mort sur le Nil (paru en 1937). Il témoigne de l’intérêt d’une romancière qui figura, à une époque nourrie par l’exotisme et l’égyptomanie, comme l’écrivaine majeure du Moyen-Orient.

Dans le roman, un meurtre est commis sur la jeune mariée en voyage de noces. Le huis clos sur le bateau rappelle (ou annonce, puisque A. Christie commence à écrire en 1933 mais publie le roman en 1937) celui de Le crime de l’Orient Express, dans le train (rédigé en grande partie à l’hôtel Baron d’Alep et publié en 1934).
Les croisières sur le Nil : hier et aujourd’hui.

Les thèmes du mariage et de la mort qui y sont représentés illustrent un moment sensible de la vie de l’autrice. Le chassé-croisé se joue entre un trio amoureux composé de Linnet Ridgeway qui a épousé Simon Doyle, le fiancé de son amie Jacqueline de Bellefort alors que dans la vie de l’écrivaine, son premier mari (Archibald Christie) vient de demander le divorce pour convoler avec l’une des très proches amies (Nancy Neele) de l’écrivaine. La situation semble bien similaire et le livre un exutoire à la trahison, la souffrance et la jalousie.
Encore de nos jours on peut appréhender le fleuve dans son aspect sauvage. Longé par d’énormes masses rocheuses, de dunes de sable encadrant un mince filet de végétation naturelle ou cultivée. Des habitations en ruines (ou en construction, en cours ou abandonnée) et des villages pauvres jalonnent le littoral. De nombreux bateaux de croisière se suivent et se croisent, de petites embarcations s’y accrochant pour vendre des artefacts ou se faire remorquer. Les felouques restent le plus souvent près des villes pour promener les touristes. Le panorama peut paraître mélancolique, propice aux états d’âme et au déferlement des émotions. Les films adaptés de ces œuvres moyen-orientales (dont de tournage emprunte les lieux de l’hôtel Old Cataract) ont parfaitement rendu cette atmosphère confinée, faussement détendue et fiévreusement passionnelle, avec une touche so british.

Situé entre l’Égypte et le désert de Nubie, au milieu du chapelet d’îles parsemant les rives du Nil avant le grand barrage construit par Nasser, le jardin botanique apporte une touche de couleur sur fond de sable bordé de verdure. L’île Éléphantine en face, doit son nom à une masse rocheuse évoquant la forme d’un éléphant, entourée par deux cartouches.

L’hôtel Old Cataract Aswan est un palais de style victorien du XIXe siècle dont la façade austère rouge foncé s’accorde avec la roche en granit rose qui surplombe le Nil. L’île d’Eléphantine et le musée d’Assouan, les tombes rupestres d’anciens nobles égyptiens d’Amarna, le centre-ville d’Assouan et son souk, le Jardin botanique, le village nubien, les ruines des temples pharaoniques, le temple de Philae non loin, la dune en arrière-plan où se dessinent un ancien monastère et quelques riches demeures sont à portée.
Du séjour que la romancière y effectua pendant la période de la colonie de l’Empire britannique, il ne reste que très peu de traces, les documents d’époque ont disparu après la révolution de 1952 quand l’hôtel a été nationalisé par Nasser (il s’appelait alors le Cataract et devint le « Old Cataract » après la construction du “New Cataract” dix ans plus tard). Thomas Cook fit construire l’hôtel pour la gentry anglaise et pour les familles des soldats de la royauté combattant à El Alamein. Le nom de l’hôtel vient du mot « cataracte » qui correspond en arabe (selon mes informations) à طوفان, c’est-à-dire : chute, cataclysme, inondation. Du haut de son piton rocheux, la résidence de luxe domine les effets des inondations annuelles du fleuve.
Citation(s):
– p 254 : ” – Dieu merci! Le bonheur existe encore sur terre!”