
Laure Dominique Agniel, Francis Hallé. Les vies heureuses du…
2023, Actes Sud, lu en numérique 158 p.
L. D Agniel intitule son livre biographie. Si elle raconte la vie de Francis Hallé, elle ne raconte pas les détails de sa vie personnelle, mais les grandes lignes intéressant la portée professionnelle et écologique de son parcours.
Bien que l’autrice ait réalisé une vingtaine d’entretiens, elle ne procède pas sur le mode interview ou dialogue. La narration se fait à la troisième personne incluant citations, extraits, rencontres avec G. Clément, L. Jacquet, H. Reeves, et lectures : G. Sand, Prévert ou C. Baudelaire…
Les chapitres suivent les déambulations et voyages de Francis Hallé à travers le monde et les causes qu’il a soutenues. L’ensemble constitue un récit attrayant, sympathique au cours duquel on apprend de nombreuses informations et anecdotes sans passer par une lecture sentencieuse ou professorale.
Et pourtant, le botaniste enseigne. Il se qualifie de « passeur » refusant le terme d’aventurier. Ses « aventures » sont d’ordre scientifique et humain : il passe les connaissances acquises aux générations présentes et futures.
J’ai appris ainsi que les arbres souterrains existaient ( p 60), que l’arbre le plus vieux comptait 43 000 ans (p 71), et qu’une plante danse au son de la musique (ou bruit, p 74); les mensonges du gouvernement français aux Marquises (p 60), et que Lionel Jospin avait fermé les deux DEA de botanique en France (p 57). Entre autres choses.
Mais ce que je veux garder, c’est mon émerveillement par procuration lorsque les occupants du “Radeau des cimes” se sont posés sur la canopée, et le mot qu’ils ont inventé : “arbrissage”! (p 87). Si le “sentiment océanique ” de F. Hallé c’est le fleuve Congo, pour moi, ce serait de vivre l’intense expérience de ces découvreurs de mondes.
F. Hallé a deux rêves : débarrasser l’humanité de sa vision anthropocentrique, orgueilleuse et destructrice, et recréer une forêt primaire en Europe afin de léguer la beauté aux siècles qui suivront. Car il reste optimiste quand bien même il rencontre indifférence et déceptions.
NB. Pour le “sentiment océanique”, je renvoie à J. Muir dans “Un été dans la Sierra” (lire ici); pour le sentiment de menace éventuelle, aux livres de D. Van Cauwelaeert : “Thomas Drimm” (Lire ici) et de Frank Schätzing (Der Scwharm) : Abysses, aux films et séries qui en ont été tirés (lire ici), sans oublier Abyss de James Cameron; et pour plus de développements, au film de Luc Jacquet : Il était une forêt, Bande annonce ici;
Citations:
– p 14 : « Apprendre à voir la beauté. Éduquer les enfants à ressentir la beauté du vivant. »
– p 24 : « Je suis persuadé que les plantes, les arbres, représentent, avec l’altérité absolue, des formes de vie extrêmement avancées. »
– p 24 : ” Il [F.Hallé] découvre que Darwin, que l’on considère comme un évolutionniste animaliste, a beaucoup plus travaillé sur les plantes. Il est convaincu que le travail botanique de Darwin a été longtemps sous-estimé. »
– p 36/7 : « Francis va vivre l’expérience du « sentiment océanique » qui a marqué sa vie […] « il y a un avant et un après cette expérience […] Je n’ai plus jamais ressenti cela ailleurs. […] L’expression « sentiment océanique » a été utilisée pour la première fois par Romain Rolland […] les mots échouent à traduire cette fusion entre l’individu et ce qui l’entoure. Romain Rolland évoque un déferlement brutal de poésie et de beauté, une sorte de vibration, un accord parfait, indissolublement lié à la nature, à la conscience de la nature en soi. »
– p 107 « Les arbres ne savent pas comment se protéger des hommes, alors qu’ils se défendent très bien contre les bactéries ou les champignons parce que leurs relations sont extrêmement ancienne. L’arbre n’a pas eu le temps de mettre en place des défenses adéquates contre les humains, mais ça viendra… »