
Marguerite Duras, Un barrage contre le pacifique
1950 Gallimard folio, 365 p
On ne peut pas avoir “tout” lu de tous les auteurs et autrices, même dits “classiques”. Il y a des “classiques” tellement “classiques” que l’on se demande ce qu’on pourrait encore dire de nouveau ou de réellement personnel à leur sujet. Tel est mon cas pour Duras et Un barrage contre le pacifique. Par conséquent, je serai modestement concise.
Le style de Duras n’est pas encore à son apogée, mais pour le troisième roman de l’écrivaine, il nous offre, dans une sécheresse implacable, à l’image de la vie en Indochine (Vietnam) à ce moment de son histoire, une description brutale de la misère, du désespoir et de l’amoralité (ou immoralité selon M. Jo (p 154)) qui en découle chez des êtres privés de reconnaissance.
Pour la mère, l’espoir reste le seul espoir, qui s’amenuise dans la dépression. Pour les enfants, c’est l’ennui, l’attente d’un changement, même si c’est de la mort de la mère qu’il viendra.
On trouve dans ce livre notamment (p 122, 162, 222-224…) l’intérêt de Duras pour le cinéma qu’elle a très largement développé par la suite. Le cinéma est l’illusion (ou la possibilité) d’une vie meilleure, d’une vie transfigurée et secrète à la fois, dans l’intimité de la salle obscure. C’est là que se réfugient Suzanne et la mère, à travers Joseph.
Citations :
– p 142 : « elle avait aimé démesurément la vie et c’était cette espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu’elle était devenue, une désespérée de l’espoir même. »
– p 162 : « Joseph c’était le cinéma. »
– p 312 : « C’était d’elle d’ailleurs qu’il tenait le don de rire comme ça, de pouvoir tout à coup inventer de rire des raisons mêmes qui, la veille, la faisaient pleurer. »