
Kurt et Ellie Johnson, Les eaux sauvages.
2023, Seuil, 281 p , titres original The Barrens.
Livre reçu dans le cadre de l’opération Masse Critique privilégiée de Babelio dont je remercie les organisateurs et les organisatrices ainsi que les éditions mentionnées.
Pour commencer ce commentaire de manière tout à fait subjective, étant donné que j’ai vécu deux ans dans le Minnesota et que j’ai traversé les Grands Lacs en canoé jusqu’au canada en passant par les Boundary Waters, je dirai que j’ai aimé retrouver les sensations d’un voyage en pleine nature, de la glisse dans les rivières, lacs et rapides, de l’adrénaline et de l’effort récompensé. Mais je dois dire aussi que je n’ai pas effectué ce parcours en solitaire et qu’il s’est beaucoup mieux terminé. Il n’en reste pas moins que les risques sont réels.
Cependant, ce qui a transformé l’aventure racontée par Kurt et Ellie Johnson en drame n’est pas lié directement à la dangerosité d’une telle entreprise, mais à une imprudence, sans doute, à une malchance, sûrement. Ce qui peut arriver n’importe où, ou presque, est arrivé là-bas, dans un excès de confiance, certainement.
Pour continuer mon analyse de façon plus objective, je soulignerai un récit à la première personne, bien mené et entraînant alternativement les lecteurs dans la réalité du voyage et dans l’histoire de Lee. Abordé par un départ in medias res, le récit opère une accroche immédiate et le suspense se tourne rapidement vers la deuxième participante et sur sa façon de gérer la situation. Le fait que Lee raconte à son amie, dans un monologue pathétique qui apparaît comme nécessaire à sa propre survie, son enfance survivaliste nous aide à comprendre comment elle réussit l’exploit improbable de s’en sortir. Par ailleurs, si la vision d’une certaine Amérique transparaît brutalement (éco-anarchisme, p 53), il n’y a pas d’états d’âme politiques ni psychologiques.
Ce roman d’aventures n’est pas purement sportif, mais initiatique : le développement de la jeune fille, sexualité et ouverture sur le monde, jalonne le récit jusqu’au bout. Il aurait pu être plus contemplatif et méditatif, mais l’urgence de la situation ne lui en a pas laissé le temps ni le goût.
Les eaux sauvages (The Barrens) me rappellent Voyage au bout de la solitude (Into the wild), le récit du voyage de Christopher Mc Candless raconté par Jon Krakauer en 1996. L’attirance vers une vie plus proche de la nature liée à l’attrait de l’exploit sportif peut avoir un impact tout aussi positif que fatal.
C’est pourquoi je terminerai par cette citation : « Je sentais que ma vie devait être plus qu’un simple dépassement de soi, j’avais besoin d’une boussole existentielle. Ce que Holly soutenait avait du sens. On a besoin de créer des histoires tout au long de sa vie, un fil qui a son récit. Je me disais que sa philosophie avait besoin de –isme, d’un contisme peut-être. Holly aimait mon idée. Holly la conteuse » (p 35).
Je pense que le roman d’Ellie a réalisé le rêve d’Holly grâce au récit de Lee.
Citations :
– p 22 : « “Tout est lié par les histoires. C’est ce qui nous tient ensemble, les histoires et la compassion.” »
– p 54 : « “Dans ce bas monde, chaque être est mû par le besoin intérieur de devenir plus grand qu’il n’est.” »