
Élise Hugueny-Léger, Projections de soi : Identités et images…
Presses Universitaires De Lyon 2022, 322 pages.
Livre reçu dans le cadre de l’opération « Masse Critique » de Babelio, dont je remercie les organisateurs et les organisatrices ainsi que les éditions mentionnées.
Cet ouvrage érudit nécessite un temps d’adaptation pour entrer dans le sujet, mais à partir du moment où les exemples sont analysés, la compréhension s’affine.
Afin de donner une définition claire des termes concernant la projection de soi, l’autobiographie et l’autofiction (mot né en 1977, officialisé en 1982-84) et d’en préciser l’évolution, l’autrice étudie en parallèle écrivains et écrivaines qui ont, d’une manière ou d’une autre, utilisé les médias (écrans télé-visuels (photographie et télévision)), cinématographiques ou documentaires (films ou émissions) pour créer une image d’eux ou d’elles-mêmes en lien avec leurs œuvres.
Depuis la seconde moitié du XXe siècle principalement jusqu’à nos jours, cette notion a progressé entre un effet (assumé ou non) de réel et un jeu identitaire complexe. Ce qui relevait auparavant du pacte d’un « moi unifié » (contraint par des règles de sincérité, au langage cohérent, qui fixe la mémoire) s’affiche aujourd’hui comme un exposé fragmentaire instable et parfois fantasmé, incarnant de multiples facettes : identité/(post-)mémoire, filiation/filature, quête/fuite, transformation/aliénation, collision/dissolution, dédoublement/masque, autopromotion/manipulation, etc.
À l’instar du livre, le cinéma est un support pour la connaissance (de soi, des autres), mais aussi pour l’imagination, le rêve et l’ailleurs. L’écran matériel ou métaphorique (obstacle ou support) active (idéalement) la participation des lecteurs/spectateurs et les métamorphose en coauteurs.
Les modalités ont changé et le phénomène également. Élise Hugueny-Léger circonscrit progressivement le mouvement interne et externe de la notion de projection et de sa polysémie, sur les plans technique, psychique et rhétorique. L’enseignante et chercheuse est convaincue des « possibilités narratives, identitaires et ludiques de l’autofiction et de sa contribution au renouveau des pratiques littéraires » (p 34) qui ne semblent plus être confinées à l’écriture dite féminine (et au « journal intime »), mais qui déplace les clichés vers un dépassement de soi innovant.
La métacritique ouvre un champ supplémentaire aux aspirations réflexives des artistes et l’intertextualité est un perpétuel enrichissement d’où l’individuel s’universalise. La rencontre dans l’altérité reste le moyen de transfigurer le “moi” du quotidien.
Le film comme l’écrit se propose donc comme un laboratoire de création dont le dialogue entre visuel et textuel s’avère fertile pour décliner la pluralité du sujet.
Citations :
– p 10 : « Autofiction ne signifiera ni plus ni moins que roman autobiographique contemporain. » Philippe Gasparini.
– p 18 : « La capacité de la photographie à transformer et déguiser, et pas seulement à dire ce qui a été, pour reprendre la fameuse formule de Barthes. »
– p 19 : Le cinéma « n’a jamais cessé de fasciner par ses possibilités de représentation et de manipulation du monde qui nous entoure, par sa capacité à montrer ce qui n’est plus ou à imaginer ce qui pourrait être. »
– P 25 : « L’autobiographie ne nous montre pas les étapes objectives du parcours d’un individu, mais l’effort requis pour donner sens au mythe personnel que chacun se construit. »
– p 284 : « Très souvent, littérature et images en mouvement sont opposées, comme si ces divers modes d’expression étaient rivaux et que l’un dominait l’autre.