
Élizabeth Badinter, Fausse route
Le livre de poche 2003,, 188 p.
Venant d’achever la lecture de La violence des femmes de Christophe Regina (paru en 2011 plus axé sur la violence en général que sur la violence entre les sexes, voir article dédié ici), je me suis procuré Fausse route (2003) auquel il faisait référence. J’avais entendu parler de ce livre il y a quelques années, suspecté d’être à la solde du patriarcat (le nom de son autrice n’ayant probablement pas joué en sa faveur), et j’ai donc décidé de me faire ma propre opinion.
Il faut convenir que le début est un peu déroutant : l’accumulation des statistiques et la réfutation de leur véracité portent à se demander de quel côté penche l’autrice. En fait (et ce n’est pas un tic de langage), Élisabeth Badinter est du côté du bon sens. Elle alerte sur des excès d’un féminisme américain (A. Dworkin ou C. MacKinnon) et français (Antoinette Fouque et Florence Montreynaud). Elle dénonce le différentialisme sexuel et la victimisation systématique comme une vision régressive plutôt que méliorative de la cause des femmes. Le propos de la femme de lettres et d’affaires remet en place certaines dérives qui à son sens, amènent à faire « fausse route ».
Je ne chercherai pas à convaincre les antiféministes ni les féministes radicales, mais j’inviterai les femmes et les hommes à suivre une réflexion sur ce que devrait être un féminisme raisonné (je n’ai pas dit raisonnable) qui prend en compte la dimension humaine de chacun, la réévaluant à la lumière de ce qui a été fait (pas toujours en bien d’un « côté » comme de l’autre) pour en tirer les éléments positifs à conserver et les éléments négatifs à combattre.
Écartant tout amalgame, tous clichés, toutes idées préconçues et notamment les stéréotypes de la femme inconditionnellement victime et de l’homme naturellement agresseur, ce petit essai donne matière à réfléchir.
Loin d’être simples, les relations homme/femme valent bien qu’on s’y attarde encore un peu.
Entre autres liens possibles alimentant le pour et le contre, je rappellerai un témoignage sur l’implication des femmes dans le Nazisme avec Le liseur (Der Vorteser) écrit en 1995 par Bernard Schlink (un film « The Reader » en a été tiré en 2008) ; l’affaire « Harvey Weinstein » en 2017 suivie par les campagnes « Balance ton porc », « Metoo » ayant (ré)ouvert le débat quand en 2018, dans une tribune au « Monde », le collectif de 100 femmes dont Catherine Millet, Ingrid Caven et Catherine Deneuve revendiquent le droit à être « importunée ». Les choses humaines de Karine Tuil est également intéressant à lire (2019, article dédié ici). De 2020 à 2022, le procès entre Johny Depp et sa femme Amber Heard ajoute de nouveaux éléments à considérer.
Citations:
– p 59 : « Assimilés aux capitalistes comme les femmes aux prolétaires, on note que les hommes ne cèdent leur pouvoir que sur des points mineurs pour mieux conserver l’essentiel. »
– p 61 : « Les catégories binaires sont dangereuses parce qu’elles effacent la complexité du réel au profit des schémas simplistes et contraignants. »
– p 65 : « Comme le dit L. Kandel, derrière la revendication du droit à la différence se profile celle de la différence des droits ».
– p 97 : « On peut certes rêver d’une humanité douce et maîtrisée qui a oublié jusqu’au sens de ce mot barbare [la colère]; en attendant, le duel verbal, ou la bonne engueulade, reste le meilleur moyen dans bien des cas de soulager les tensions et de mettre fin à un conflit. Soit parce qu’on le surmonte, soit parce qu’on comprend qu’il est insurmontable. »
– p 98 : « Laisser penser que seuls les hommes sont jaloux, mal élevés et tyranniques est une absurdité qu’il est urgent de faire cesser. »
– p 107 : « Comme le dit justement Xavier Deleu : « Une cacophonie sexuelle conduit à la saturation de l’espace public sous l’effet de l’accumulation de signes érotiques. » »
– p 151 : « la déconstruction de la masculinité en vue de l’alignement sur la féminité traditionnelle est une erreur, sinon une faute. »