
Christophe Regina, La violence des femmes
Max Milo 2011,316 pages
Précisons immédiatement qu’il ne s’agit pas de la violence faite aux femmes (médiatisée de nos jours), mais de la violence qui existe chez les femmes : celle qu’elles exercent sur les autres femmes, les hommes, les enfants, de manière individuelle ou collective, ponctuellement ou en série.
Hormis la conception ancestrale stéréotypée de la femme-passive/victime et de l’homme-viril/agresseur, rien n’est explicable, tout est anecdotique, de l’ordre de l’exceptionnel et de l’anormalité. C’est sur ces critères que la société politique, religieuse et médicale a longtemps détourné la violence des femmes en pathologie ou en possession démoniaque. Car il faut en revenir aux définitions encore largement concédées à propos de la Femme : son essence et sa nature sont maternelles et douces. Ne dit-on pas « le beau sexe » comme on dit « le sexe faible » avec un reste de chevalerie dans l’éducation ?
Il n’existe pas de féminin pour l’un (« agresseuse » n’est pas dans le dictionnaire) ni de masculin pour l’autre (« homme battu » est une verbalisation récente). Pourtant, dans les deux cas et en réalité, rien n’est nouveau, tout est juste plus visible grâce aux médias.
Car la violence ne s’arrête pas à des considérations de langage ni d’époque, même si elle est imprégnée de l’idéologie dominante. Christophe Regina définit la violence comme « une impatience dans le rapport avec autrui, un moment dialectique de difficulté sociale ». En conséquence de quoi, il n’est pas sexué.
Se rapprochant de la vision d’une égalité qui doit être « totale » selon le féminisme pas toujours bien compris d’Élisabeth Badinter, l’auteur s’appuie sur le rejet de toute stigmatisation tant féminine que masculine afin de revenir à des bases plus rationnelles, partant plus égalitaires.
Étayée de témoignages et de réponses à des questionnaires, cette étude ne veut pas discriminer les femmes, ni les mettre à part, ni les y laisser. À mon avis, la couverture du livre montrant un homme battu ne rend pas justice à l’intention de l’auteur dont le propos n’est pas de dénoncer une quelconque vindicte des femmes envers les hommes. Au contraire, c’est avec un souci d’impartialité que C. Regina nous offre des pistes de réflexion afin de rétablir la parité. Quand bien même une certaine indulgence (condescendante et à double tranchant) serait « à l’avantage » des femmes, elle serait finalement au détriment de l’être humain qu’elles sont devant la société tout entière.
Il s’agit donc de dévoiler l’« histoire d’un tabou social », d’où le sous-titre choisi pour cet essai, et de ne plus réifier (le terme est répété tant et plus) la femme avec des concepts infondés.
PS Afin de poursuivre et d’illustrer le propos, je recommande par exemple le roman Fleur de tonnerre de Jean Teulé (lire mon article ici) adapté au cinéma (BA ici).
Citations :
– p 25 : « L’instinct guerrier est si fort qu’il est le premier à apparaître quand on gratte la civilisation pour retrouver la nature » (Bergson).
– p 28 : « L’explication de la violence est indissociable de la notion d’altérité. La violence est possible, parce que le rapport à l’autre dans l’acte violent permet le transfert d’une souffrance personnelle sur l’autre, qui catalyse alors le mal-être exorcisé. »
– p 30 « Pour Gusdorf, l’expression de la violence figure comme un échec du dialogue, une démonstration de force et un asservissement de l’autre par la contrainte. »
– p 37 : « L’objet «femme violente» échappe donc encore quelque peu aux historiens, parce qu’elle est socialement et moralement antinomique d’une image marquée par la «nature» et, plus encore, par la culture.»
– p 74 : « La période révolutionnaire offre quantité d’exemples de femmes qui prirent les armes en dépit de l’interdiction formulée par la Convention du 30 avril 1793 qui les congédia des armées. »
– p 100 : « Omettre le pouvoir des mots et la violence du discours consisterait à refuser un pan de la violence. »
– p 105 : « La sorcière [coupable et victime à la fois] n’est qu’un des nombreux visages de la féminité en justice, sur la scène de laquelle le fait d’être une femme est source d’ambivalence. »
– p 155 : « S’était-elle [Irma Greese] convaincue que c’était dans l’exercice de la violence qu’elle sublimait sa nature pour être enfin jugée l’égale des hommes et supérieure au commun des femmes ? »
– p 224 : « Les sondés mettent-ils véritablement en pratique leurs idées ? »