
Marguerite Yourcenar au Mont-Noir
Maison d’enfance.

Située dans les monts des Flandres à la frontière franco-belge, le Mont Noir est une colline de 152 mètres d’altitude. Si la présence d’une forte concentration de pins noirs dans le bois lui a donné son nom à l’origine, la déforestation et la reforestation ont remplacé fortement les pins par d’autres espèces moins sombres. Aujourd’hui, le Mont noir est moins noir, comme déjà à l’époque de M. Yourcenar selon ses confidences dans Archives du nord.
La colline ainsi nommée se trouve à cheval sur trois communes, deux en France (Saint-Jans-Cappel et Boeschepe) et une en Belgique (Westouter). La proximité de la frontière a conduit de nombreux cafés restaurants à installer pour accueillir un public venu faire des emplettes de tabac moins cher, de souvenirs, etc. Le week-end la route est hélas encombrée.
Marguerite Cleenewerck de Crayencour de son vrai nom, est âgée de 6 mois lorsqu’elle rejoint le Mont-Noir avec son père, après le décès de sa mère (en 1903). Elle passe toute son enfance dans ce château de style Louis-Philippe, construit à flanc de la colline par le bisaïeul de la future écrivaine, en 1824. Dans la propriété de sa grand-mère paternelle, entourée d’un immense parc et d’un étang, elle mène une vie campagnarde sans contraintes.
Vendu en 1912, détruit en 1917 lors des bombardements de la Première guerre mondiale, le château n’a jamais été reconstruit. Le pavillon du garde subsiste et les écuries ont été transformées en Centre de Résidence d’Écrivains Européens où des expositions s’installent. Le 17 avril 2022, j’ai rencontré une photographe montréalaise exposant ses photos sur Terre-neuve.
La « Villa Marguerite Yourcenar » ouvre ses portes en juin afin d’instaurer des rencontres avec les écrivains et écrivaines en résidence. Je ne manquerai pas d’y revenir.
Les vœux de Marguerite Yourcenar – et ils ont été respectés – étaient de conserver la nature d’un lieu auquel elle tenait beaucoup si l’on en croit ses aveux :
“En ce qui me concerne, j’ai toujours regretté que mon père ait vendu cette propriété […]. S’il l’avait gardée, […] ç’aurait été quelque chose que de posséder ce pan de colline sous un très beau ciel ».
Le domaine est aujourd’hui un parc naturel en accès libre où la promenade a été agréable, sous un ciel découvert. En ce mois d’avril, la visite m’a ouvert des sentiers jonchés de jacinthes sauvages bleues et de milliers de petites fleurs blanches tapissant les flancs du parc. Un cadre sans aucun doute idyllique pour une petite fille sensible à son environnement, comme le prouve cette citation extraite de sa lettre écrite à Daniel Ribet, le 25 janvier 1975 :
“Je dois pourtant beaucoup au Mont-Noir. J’y ai les plus anciens souvenirs que je puisse réussir à dater, […] je lui dois, ce qui compte beaucoup pour moi, ma première familiarité avec les bêtes et les plantes”.
Vue de la « Villa Marguerite Yourcenar », du parc et des sentiers :

« Le Mont Noir dont j’ai une connaissance intime puisque c’est sur lui que j’ai vécu enfant. »
(Archives du Nord)


« Mais que voudrais-je revoir ? Peut-être les jacinthes du Mont Noir ou les violettes du Connecticut au printemps. » (Les yeux ouverts)


Née le 8 juin 1903 à Bruxelles, femme de lettres française, Marguerite Yourcenar (de son pseudonyme) a choisi de vivre à Northeast Harbor, Mount Desert, état du Maine aux États-Unis (naturalisée américaine).
Elle est l’autrice de Mémoires d’Adrien, L’Œuvre au noir, Nouvelles orientales, Archives du nord…notamment.
Dans Archives du Nord, l’écrivaine dresse un portrait généalogique de sa famille jusqu’à son arrivée dans cette demeure (voir article dédié ici). Je comprends mieux ce qui touche l’environnement décrit dans cette autobiographie en ayant visité le parc et les villages alentour, mais regrette d’autant plus que le château ait été détruit.
À lire aussi :
– Écrit dans un jardin, Yourcenar Marguerite, éd Fata Morgana (non paginé, mais environ 15 p) 1980.
– « Réception Au Jardin : Une Éthique Environnementaliste Chez Marguerite Yourcenar, Élène Cliche (Université du Québec à Montréal).
– Les yeux ouverts, Marguerite Yourcenar, Entretiens avec Matthieu Galey, Le Centurion 1980.