
Amélie Nothomb, Les prénoms épicènes
Albin Michel , 2018, lu en numérique, 86 p.
Tout d’abord, il convient de rappeler la définition du mot « épicène » :
1.”Qui désigne aussi bien le mâle que la femelle d’une espèce (ex. le rat)” et
2. « dont la forme ne varie pas selon le genre ».
Les prénoms Claude et Dominique sont épicènes. En l’honneur de Ben Jonson (Epicoene, or the Silent Woman, 1609), le père et la mère ont décidé de prénommer leur fille « Épicène ».
C’est donc l’histoire de trois prénoms épicènes, mais aussi de deux vengeances – une qui échoue et une qui réussit – à l’instar d’un poisson préhistorique d’une longévité exceptionnelle, et enfin d’un verbe anglais.
Le « cœlacanthe » est un poisson qui obtient sa survie par mise en coma auto programmable ; le verbe « to crave » est l’interprète de son attente :
“- J’ai écrit une thèse sur le verbe « to crave ».
– Peux-tu traduire ?
– Cela signifie « avoir un besoin éperdu de ».
– To crave. Eh bien, c’était le verbe de ma vie et je ne le connaissais pas. J’en ai pourtant sacrément exploré le sens.” (p 78).
Ce terme définit ce que le père et la fille ont en commun : chacun a eu le besoin éperdu d’amour d’un être qui ne l’aimait pas. Quant à la mère, elle aussi a eu ce besoin, mais elle l’a satisfait avant de s’apercevoir que c’était un leurre.
Ce verbe résume ce que de nombreuses relations humaines, sentimentales notamment, démontrent régulièrement. “Mourir d’envie” est une autre traduction qui là également reflète bien les vies de Claude, Dominique et Épicène. Une seule se terminera brutalement, car “la personne qui aime est toujours la plus forte” (p 74 ).
Le propos comme les thèmes centraux – qui sont la vengeance et l’obsession de Claude, l’amitié de Dominique et de Reine empreinte d’un tant soit peu de trahison et de la haine fatale entre père et fille – auraient mérités d’être plus développés.
Étant fidèle à elle-même, Amélie Nothomb nous livre une histoire courte et acidulée que l’on appréciera selon le même degré que celui que l’on porte à son autrice.
Citation :
– p 40 : « Il existe un poisson nommé cœlacanthe qui a le pouvoir de s’éteindre pendant des années si son biotope devient trop hostile : il se laisse gagner par la mort en attendant les conditions de sa résurrection. Sans le savoir, Épicène recourut au stratagème du cœlacanthe. Elle commit ce suicide symbolique qui consiste à se mettre entre parenthèses. »