
Racine, Bérénice
La bibliothèque , Collection dirigée par Jean D’Ormesson, 2009, 673p (de 109 à 173)
D’un côté il y a Titus, empereur romain du siècle premier de notre ère, de l’autre Bérénice, petite fille du roi Hérode de Judée, enfin Rome et sa raison d’état. Le mariage pourtant attendu est impossible. Et si Antiochus aime Bérénice, il n’est pas payé de retour puisqu’elle aime Titus. Aucune fin heureuse n’est donc envisageable.
Le trio amoureux contrarié est un thème notoirement récurrent (que ce soit dans le passé ou de nos jours). Les conflits entre passion et raison, le cœur et la tête, la fidélité et la loyauté déchirent les personnages. L’aveu décisif se fait attendre et l’adieu n’en est que plus déchirant.
Racine joue avec virtuosité sur la complexité et l’exaltation des sentiments. Il n’est pas besoin d’y avoir des morts – comme c’est l’usage – pour que la tragédie soit héroïque. Ici, le sujet est clair et simple (c’est voulu, voir la préface de l’auteur), les tirades relèvent du chant incantatoire (rimes suivies) et la représentation tient en un drame. Sur scène, il est efficace.
Bien que son amoureux ne sache/ne veuille pas contrecarrer la loi romaine, Bérénice reste une reine digne. Face au doute, à la répudiation et à l’exil, la reine bafouée dans son cœur et dans son orgueil est une femme de caractère avant tout. Son renoncement et sa soumission à la loi ne lui font pas perdre sa grandeur d’âme, ni sa noblesse.
Jean Racine, est l’un des poètes tragiques du XVII siècle les plus connus, membre de l’Académie française, Il a fait de Bérénice une tragédie classique en vers et en 5 actes. Corneille, de son côté a choisi d’écrire une comédie héroïque pour relever le défi d’Henriette d’Angleterre. Si le premier a joué de vitesse et de succès par rapport à son éminent confrère, les deux versants de l’histoire peuvent se lire de manière complémentaire : il n’y a jamais une seule et unique version en ce qui concerne une légende.
La poésie tire sa force de la simplicité de l’action au profit de l’émotion. Ce drame a laissé des citations célèbres qui ont jalonné la culture judéo-chrétienne : “Mais il ne s’agit plus de vivre, il faut régner”, ou : “Madame: le seul bruit d’une mort que j’implore / Vous fera souvenir que je vivais encore”, ou encore : “Que le jour recommence, et que le jour finisse / Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice”…
Et d’autres citations :
– p 113 : « Jamais je ne l’ai moins haïe »
– p 116 : “Jugez de ma douleur, moi dont l’ardeur extrême / Moi qui, loin des grandeurs dont il est revêtu, / Aurais choisi son cœur et cherché sa vertu.”
– p 119 : “Rome nous vit, Madame, arriver avec lui. / Dans l’orient désert quel devint mon ennui !”
– p 121 : « L’hymen chez les Romains n’admet qu’une Romaine ; / Rome hait tous les rois, et Bérénice est reine.”
– p 130 : « Elle passe ses jours, Paulin, sans rien prétendre / Que quelques heures à me voir, et le reste à m’attendre. »
– p 136 : « Si Titus est jaloux, Titus est amoureux. »