
Guy de Maupassant, Le Horla
éditions Carrefour 1995, 90 p.
Texte très court mais très célèbre dans la littérature fantastique. Le récit se construit sous la forme de journal intime daté et linéaire. Il couvre la période du 8 mai au 10 septembre. Le crescendo n’en est que plus prégnant.
Le paysage de la Normandie est joliment installé alors que les premières questions apparaissent : « D’où viennent ces influences mystérieuses qui changent en découragement notre bonheur et notre confiance en détresse ? (p 10) ; « Comme il est profond, ce mystère de l’Invisible » (p 11), (il faut bien noter la majuscule à « Invisible »).
Puis, un pressentiment se loge au début d’une fièvre qui monte à mesure que les jours se suivent. Le cauchemar devient éreintant, la peur de dormir se joint à la désorientation diurne. Les suppositions se multiplient : somnambulisme ? La preuve est faite que non. Quelle autre raison ? Un récit en incise illustre une séance d’hypnose. Si le manque de contrôle est avéré, de quel contrôle s’agit-il alors ? Ensuite, les hallucinations surviennent et imposent leur domination. L’indice du trois-mâts brésilien aperçu sur la Seine évoque au personnage une pandémie venue de l’étranger. Enfin, une folie meurtrière s’est développée qui le pousse à incendier la maison dans laquelle il a soi-disant réussi à emprisonner cet être qui le hante. Après avoir réalisé que le mal était en lui, il débouche sur la seule et unique solution pour en réchapper : supprimer l’un pour supprimer l’autre.
Sans trop extrapoler, le Horla pourrait se lire comme un “hors-là !” adressé à l’Autre, celui que le narrateur a vu dans le miroir à sa place.
Quelques illustrations en noir et blanc représentent l’auteur dans son personnage (grosse moustache). Est-ce une simple identification entre l’écrivain et son héros ou bien une volonté de laisser supposer que le narrateur est bel et bien Maupassant, atteint lui-même progressivement de démence ?
Citations:
– p 18 : “Est-ce que nous voyons la cent-millième partie de ce qui existe?”
– p 20 : “Alors, j’étais somnambule, je vivais, sans le savoir, de cette double vie mystérieuse qui fait douter s’il y a deux êtres en nous, ou si un étranger, inconnaissable et invisible, anime, par moments, quand notre âme est engourdie, notre corps captif qui obéit à cet autre, comme à nous-mêmes, plus qu’à nous-mêmes.”
NB : Cette édition contient aussi les nouvelles intitulées Amour, Le trou, Sauvée, Clochette ainsi qu’une petite biographie.