
Nancy Huston, Arbre de l’oubli
Actes Sud, 2021, lu en numérique, 216 p.
Arbre de l’oubli multiplie les thèmes abordés : religion ( judaïsme, islam…); pauvreté des uns et aisance matérielle et morale des autres; infertilité et gestation pour autrui; sexualité et abus sexuels; sexisme, racisme; etc. Ce qui relie l’ensemble, c’est la violence de la révolte de Shayna. Elle porte un prénom qui sonne, selon elle, comme “shame” (la honte). La colère, la rage (p 207) de la jeune femme va la pousser à rejeter certains pour en poursuivre d’autres, à aimer ou à haïr, à désirer comprendre d’où elle vient et où elle veut aller.
La simultanéité des histoires familiales casse la progression d’une généalogie linéaire. En découpant et en recomposant les différentes facettes de l’histoire des parents et des enfants, l’image devient trouble. Cela déroute parfois. Pourtant, ces changements de plans assurent une représentation au plus près de la vie, que chacun tente d’accomplir avec ses moyens.
La ségrégation psychologique que vit Shayna tisse autour d’elle un drame identitaire. À la limite de verser dans la folie, elle se confronte avec le visible (sa différence au sein de son milieu adoptif) et l’invisible (sa mère biologique et ses origines).
Le titre de ce roman rappelle un arbre de l’oubli qui a existé : « dans leur nouvelle vie au-delà des mers, leurs souvenirs pèseraient plus douloureusement que des chaînes. […] Alors ils ont choisi de remettre leur identité à l’arbre. Ils lui ont confié tous les souvenirs africains pour qu’il les garde précieusement, les chérisse et les conserve, jusqu’à ce qu’ils reviennent reprendre le fil de leur histoire là où il avait été tranché. » (p 205). Ce rituel de l’oubli avant le passage du Milieu (le port d’Ouidah au Bénin), a longtemps été incarné par un arbre aujourd’hui disparu. Il a été remplacé par un monument commémoratif.
Si aucun n’est revenu selon ses vœux à son époque, Shayna vient avec Hervé, aujourd’hui : car « germer vaut mieux que gémir » (p 211).
Interview de l’autrice ici,
Voir aussi :
– L’article sur la francophonie incluant (bien évidemment) la littérature québécoise (écrivains et écrivaines) : lire ici,
– L’article sur le « Festival International des Écrits de Femmes » de 2021, consacré aux autrices canadiennes et québécoises : ici,
– Liste des autrices canadiennes et québécoises ici.