
Madame de Genlis, La femme auteur
2007, Folio, 107 p.
Une histoire d’amour mal récompensée : la femme auteur (Nathalie) est abandonnée par son fiancé (Germeuil) : car “quoi ! tout le monde à présent vous connait comme moi » (p78). Réflexion aussi jalouse qu’égoïste, aussi possessive qu’autoritaire mais qui s’appuie sur “le sens commun” : « n’est-il pas juste que la gloire appartienne en propre à celui qui peut seul transmettre son nom et le laisser en héritage? » (p 81).
En montrant les risques courus par la femme qui se mêle de jouer dans la cour des hommes et la tranquillité de celle qui s’en abstient (Dorothée, p 28), Mme de Genlis dénonce la discrimination sexiste sous le Consulat.
Ce livre rappelle ceux de Jane Austen qui elle, mettait en garde les femmes intelligentes contre l’amour.
Toutes les revendications sont décrites comme suicidaires et à décourager absolument.
On peut y voir un double discours : sous couvert d’aller dans le sens de la bonne conduite, cette femme auteur (“auteure” est un canadianisme et “autrice” avait été supprimé du dictionnaire à l’époque) montre la frustration et l’injustice de la société à l’égard des femmes.
Revanche, bravade ou prétention, Mme de Genlis va plus loin lorsqu’elle écrit : « car avec l’éducation que nous recevons, ce serait les surpasser » (les hommes) (p 28). Elle préconise donc de « laisser » la gloire aux hommes pour préserver les bons rapports entre les sexes. Elle l’envisage (avec ironie?) comme un cadeau magnanime et bien plus adroit que de vouloir “se pousser” à leur niveau. Cela me rappelle l’écrivaine Colette qui disait qu’une femme intelligente avait l’intelligence de ne pas le montrer.
Serait-ce donc de la misandrie ? Ou bien une « sagesse », de la résignation et/ou de la manipulation, ainsi qu’une vue bien pessimiste de l’avenir? Ou bien encore une sorte de lucidité face à la société de l’époque, qui conditionnait les hommes dans un rôle strictement “viril”, les poussant à des activités plus physiques qu’intellectuelles?
Ce petit livre est riche de la sensibilité, de la finesse et du discernement d’une femme telle que Mme de Genlis. Il témoigne des bases d’une éviction non plus fondée sur l’infériorité physique mais sur celle des capacités intellectuelles et sociales. Si certains assurent que les secondes découlent inévitablement de la première, l’absence de droits civiques attribués aux femmes a tout bonnement ratifié cette pseudo évidence en n’en faisant plus un problème.
Un article a été publié le 18/11/2021 sur ActuLitté lire ici.