
Philippe Delerm, Écrire est une enfance
2011, Albin Michel, lu en numérique, 139 p.
L’auteur se livre à une autobiographie au fil de ses souvenirs les plus marquants. C’est l’occasion surtout de s’interroger sur les forces – et les faiblesses – qui l’ont conduit à l’écriture : « J’ai essayé de traquer le pourquoi de mon écriture, en délaissant le plus possible le comment » (p 110).
Il parcourt ainsi ses relations avec sa famille (parents instituteurs comme ceux d’Alain-Fournier avec lequel il fait la comparaison); ses premières amours (les amours silence); ses écrivains préférés (Marcel Proust en tête, Jules Renard, etc.); sa femme Martine (professeur de lettres, illustratrice et rédactrice : un couple artiste); sa profession (professeur de lettres en collège).
Il retrace également ses affinités avec l’art, le dessin, la peinture, le cinéma, la musique, la chanson française (à texte)…
Il rend hommage à ses “parrains”, les écrivains ou amis qui ont cru en lui ou qui l’ont conseillé (Ormesson, Le Clézio, Jean Loize, etc.), sans omettre ni ses problèmes de santé, ni sa timidité, ni sa “faute” envers un ami d’enfance. Sa vocation relative et ses débuts hésitants sont exposés avec sincérité.
Mais le plus intéressant dans cette introspection est le rapport à l’enfance revendiqué. Déjà, sa rencontre avec sa femme : “une histoire d’amour placée dès le premier jour sous le signe de l’enfance, voilà ce qu’aura été notre vie”, avoue-t-il (p 50). Puis Patrick Montel dira de lui que “c’est un enfant” et Kriss ajoutera : “on a tous baigné dans la rivière de l’enfance. Mais Philippe Delerm, lui, il est resté mouillé” (p 53).
Privilège mais aussi blessure, il ne démordra pas de l’idée que l’enfance est un état supérieur (p 55), que la “fêlure” est de grandir, de s’en éloigner et qu’il s’agit de la mériter de nouveau : “l’écriture est une enfance à regagner” (p 56). D’où le titre de ce petit opuscule.
Et on a tous envie de saluer ce que dit Jean d’Ormesson à Philippe Delerm : « Vous avez une belle vie. Ne la laissez pas contaminer par l’obsession éditoriale. Si vous parvenez à continuer à écrire sans être trop triste de vos échecs, je ne doute pas de votre réussite future. » (p111).
NB: La Cinquième saison, voir l’article dédié ici; Le trottoir au soleil : voir ici .
Citations :
-p 8 : « Si vous commencez à être connu, la plupart du temps les critiques essaient de construire une figure identifiable, en jouant sur des stéréotypes. Une fois que vous êtes installés dans le paysage, la démarche s’inverse. L’angle d’attaque consiste à briser les stéréotypes. Mais c’est la même chose. Dans les deux cas, il s’agit d’une construction mentale beaucoup trop aérienne pour dire vraiment quel écrivain vous êtes. »
-p 10 « Avoir trop de dons suscite toujours l’hésitation. Connaître très tôt son large domaine d’incompétence aide à se diriger. »
-p 39: « L’écriture est toujours la traduction d’un manque, d’une fêlure, une façon de déplacer les atomes de la réalité.»
-p 44: « Il faut juste lire un peu pour pouvoir commencer à dire »; p 67 : « Impossible d’écrire si l’on n’est pas lecteur. »