
Christian Signol, Même les arbres s’en souviennent
2019, Albin Michel, lu en numérique, 200 p
Ce livre raconte la transformation d’un monde fondé sur la nature, ce qu’elle donne et ce qu’elle produit. Le monde paysan s’ordonne autour de l’axe des saisons qui ponctue les tâches et les récoltes (d’où les quatre parties qui suivent celle consacrée à Lucas). En s’accordant à son rythme, les agriculteurs ont bâti leur vie à travers des générations. En accélérant la production, ils se sont éloignés de la sagesse séculaire qu’une mécanisation modérée pouvait préserver. Elle aurait retenu des enfants qui refusaient de se soumettre à des contraintes hors d’âge.
Un arrière-grand-père raconte à son arrière-petit-fils, d’une manière simple, humble, sans surcharge mais non sans émotion car « tout le monde est capable de deviner une émotion derrière des mots retenus » (p 172), le rude parcours qui a été le sien. Il transmet sinon la terre (vendue), mais la maison (qu’une promesse a protégée) et la mémoire d’une évolution qui a métamorphosé la société du XXe siècle.
Alors qu’Émilien prépare son départ en revenant à la source : « Je suis heureux […] à l’idée de rallumer un feu, me coucher dans ma chambre, toutes fenêtres ouvertes, pour écouter les arbres de la forêt voisine se souvenir de notre vie d’avant, mais aussi battre de nouveau le cœur de cette maison qui sera restée mienne jusqu’au bout » (p 198), il voit en Lucas un renouveau possible.
La modernisation a modifié, pas toujours en mieux, des bonheurs simples et des épreuves quotidiennes afin de suivre le progrès en marche. L’auteur nous alerte sans mélancolie désuète, avec justesse et authenticité.
Le rapport transgénérationnel prend ici une amplitude nouvelle.
Christian Signol est un auteur très attaché à la terre dont les titres ont souvent pour thème l’enfance, (Bonheur d’enfance, Enfants de Garonne), à la campagne (La promesse des sources, Dans la paix des saisons) en communion avec la nature (Les vignes de Sainte-Colombe, Les chênes d’or, Au cœur des forêts). Même les arbres s’en souviennent s’ajoute à sa palette d’écrivain et d’humaniste.
Ce titre appartient à ma liste « Titres d’ordre végétal » ici (ou voir catégorie “Liste”). Si vous aimez ce thème, venez feuilleter ma page “Mes projets” (écrits-en-cours). En ce moment je lis des ouvrages sur “le végétal en littérature” et j’écris un essai (participatif et gratuit) sur les œuvres lues.
Citations :
P 10 : « Les arbres gardent la mémoire de tout ce qu’ils vivent. »
P 58 : « Elle avait consenti parce qu’elle était prête à tout pour son fils, y compris à le perdre. »
P 126 : « Chacun pensait à la victoire future, à se saisir du pouvoir le moment venu, et sans se soucier de ceux avec lesquels il combattait pendant ces années terribles. »