
André Gide, La porte étroite
Folio, 1959, 182 p
La porte étroite est le lieu où tout se noue et se dénoue.
Cette petite porte dans le bas jardin se trouve à l’entrée du potager ceint de murs et muni d’un simple verrou qui ne résiste pas à Jérôme. En revanche, Alissa ne passe par cette porte étroite qualifiée de « laminoir » (p 27) que pour épurer un amour presque fraternel (p 108, p 121), tout en étant plus que cela (p 173).
Cette porte décrite dans le verset du pasteur comme celle qui conduit à la vie (p 28) est, comme le chemin, si étroite que deux personnes ne marchent pas de front (p 167). C’est pourquoi, entre vertu et amour facile, naturel et médiocre, Alissa choisit « mieux que l’amour » (p 165) : une « joie progressive » (p 163) qui va les mener, sinon à la vie, à la pureté de leur amour exacerbé.
Entre héroïsme et égoïsme, sacrifice et contentement de l’âme (p 163), le « jeu », qui n’en est pas un pour la jeune femme (25 ans), s’accompagne d’épreuves, de fuites et de silences, de dépoétisation de soi-même afin de sauvegarder la noblesse d’un amour dont il ne faut pas douter.
Le journal intime d’Alissa, en fin de roman, éclaire sur ses intentions, ses quelques atermoiements et sa décision finale en vue d’accomplir cet idéal assumé.
Il faut remarquer que ce roman a paru pour la première fois en 1909, soit à la toute fin du 19e siècle – tout début du 20e. Ce que je veux dire c’est qu’il est largement empreint des idées romantiques et des conventions d’usages (pour les jeunes filles notamment) d’une époque qui me rappelle Stendhal et sa tragique Armance.
Citations:
p 128 : “(…) de beaucoup parler sans rien dire de grave, et, lorsque nous nous taisions, de ne pas sentir peser le silence”.
p 139 : “C’est par noblesse naturelle, non par espoir de récompense, que l’âme éprise de Dieu va s’enfoncer dans la vertu.”
p 140 : “- Alissa! m’écriai-je, pourquoi t’arraches-tu les ailes?”
p140 : “C’est ce mot du Christ : “Qui veut sauver sa vie la perdra.”