
Maguelonne Toussaint-Samat, Contes et légendes des arbres et de…
1975, Fernand Nathan, lu en numérique, 252 pages
Les contes et légendes des arbres et de la forêt nous font voyager depuis l’Amazonie, de la Chine, à la Californie, au Canada (dont le drapeau représente une feuille d’érable), en passant par la France (alors qu’elle s’appelle encore la Gaule) et par Paris (lorsqu’on le nomme Lutèce), le Roussillon, les Pyrénées, jusqu’à l’Afrique, à Madagascar, en Inde et en Russie. Les époques changent et nous plongeons au cœur du moyen âge, au XVIe siècle et de nos jours. Les forêts de légende, Brocéliande en Bretagne, Sherwood en Grande-Bretagne, Northumberland en Écosse, le Mont Lao en chine et la forêt de Briansk en Russie (avant qu’elle devienne soviétique) se présentent à nous.
Les grands arbres sont à l’honneur : le ginkgo, le baobab, le séquoia, le chêne vert (aussi nommé « yeuse » qui signifie « seigneur »), le marronnier, l’hévéa… Ils sont admirés pour leur grandeur associée à de la fierté, et pour leur longévité, proche de l’éternité.
Les dieux, quel que soit leur nom, s’ingénient à la formation de la terre et du ciel, et à la création de toutes choses. Sous l’angle de la magie et du fantastique que recèle notre monde connu et moins connu, ce livre nous emporte vers les contrées lointaines de notre imagination.
Les nymphes sont vouées à un arbre (p 90) – comme dans L’Arbre-Monde de Richard Powers, se transforment en arbre comme dans les Métamorphoses d’Ovide, ou dans Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Au détour des magiciennes et des créatures immatérielles telles que les licornes, on côtoie encore Léonard de Vinci (p 97) ou Tchaïkovski et son ballet de Casse-Noisette (p 164).
La nature, magnifiée pour sa générosité et la providence qu’elle accorde aux humains, est redoutée pour sa puissance et son exubérance intarissables (jusqu’à maintenant). Parce que le côté ténébreux et secret des forêts est associé à la force, violente ou salvatrice, elles sont le lieu de la complicité bienveillante ou pas (les chênes sont complices des sorcières, excepté le plus jeune qui se rebelle, p 113). Tous les forfaits comme les actes nobles y sont possibles. Les forêts ont toujours été des poches de résistance (p 99), pour le brigandage – la forme néfaste de l’insoumission aux lois – ou pour la résistance face à l’occupation étrangère intrusive (p 99) – l’utilisation la plus héroïque.
Il y aussi des punitions infligées par les dieux, par l’esprit de la forêt ou par les esprits habitant la forêt, les bons et les mauvais génies : nymphes, faune, sorcières, magiciennes, mais il y a encore les récompenses pour le courage et la sagesse, grâce à la magie. Depuis la nuit des temps, les prodiges et la prodigalité de la nature fournissent aux humains tout ce qui leur est essentiel sur le plan des besoins, de la morale et de l’inspiration.
Les contes et légendes des arbres et de la forêt sensibilisent à la protection de la nature, non seulement en la faisant mieux aimer, mais aussi en la faisant mieux connaître. Le lecteur ou la lectrice apprend sur des questions de vocabulaire et d’étymologie (forêt vient de « forestare » : zone interdite à la coupe, p 102), des informations sur la vie des arbres et autres habitants de l’écosystème créé par les forêts, sur l’origine des lois sur le ramassage des branches, ou l’abattage des arbres (p 101), ou sur la fabrication du charbon de bois (p 136), etc.
Un avant-propos étayé par le poème de Ronsard : “Contre les bûcherons de la forêt de Gastine” nous prévient des conséquences de nos agissements et nous incitent à réfléchir sur notre environnement. Puis, tout au long des histoires, quelques remarques viennent conforter le propos (le déboisement entraîne de mauvaises récoltes, p 99, par exemple).
Composé de chapitres distincts dont le ton, le style, le langage leur est propre, on peut lire ce recueil en suivant ou grappiller selon l’humeur : il n’y a pas de suite ou d’interactions entre les récits.
De jolis dessins ornent les chapitres dans la tradition des enluminures luxueuses d’antan.
Le voyage est riche en tous points.
Citations:
– p 134 : “Car la forêt, cet immense être vivant et multiple, lorsqu’on l’effraie, tremble avant de retrouver la sérénité faite d’harmonie qui est un des secrets de la nature.”
– p 134 : “Quelle chance pour moi, de vivre ainsi seul au milieu des bois! Il n’y a qu’ici que l’on vit tranquille sans avoir affaire aux gens, dont la seule distraction est de se rassembler pour faire le mal.”
– p 164 : “Ce ballet [des écureuils] sera celui de Casse-Noisette et il racontera la vie de la forêt”. (Tchaïkovski).
– p 165 : “Car il est tellement difficile de rendre la vie qui vous entoure. Plus les choses perçues sont simples et plus difficile est l’expression musicale…(Tchaïkovski)
– p 187 : ” Pendant des jours et des jours, on longea un mur vert et d’une hauteur presque uniforme, taillé par l’eau dans la végétation exubérante.”
– p 203 : “Cette forêt dont les hommes sortirent jadis, et vers laquelle certains ne peuvent s’empêcher de retourner.”
Ce livre fait partie de ma liste “Titres d’ordre végétal” ici et de mon essai ici.
N.B. En plus, juste pour info : un petit tour du monde des plantes dans les drapeaux ici
Table des matières :
Avant-propos
L’arbre à sagesse du Mont Lao
L’oiseau d’argent et les petits-grands-pères de la forêt
Les aventure du Baobab, l’arbre éléphant
L’arbre géant qui possédait le feu
L’arbre de l’illumination
L’ermite et les créatures éternelles de la forêt
Le miracle du roi des aulnes
Le chêne de Ria
Merlin et Viviane à Brocéliande
L’ami des loups
La sylphide et le Laird
Les vieilles Mic-Mac et le glouton
Les marronniers almanachs
Le testament de Casse-Noisette
Magie verte.