
Anne Courtillé, L’arbre des dames
Presse de la cité 1999, 439 pages
Courtillier (p 59) est le nom du jardinier professionnel, du XII au XVe siècle. Gageons qu’il est à l’origine de patronyme de l’autrice (?).
Qu’Anne Courtillé soit plus ou moins proche de cette thématique, on peut noter tout d’abord que Mélinotte, la femme du forgeron, est tantôt qualifiée de paysagiste tantôt de jardinière avisée (p 193). Il est indiscutable qu’elle s’occupe de son jardin pour des raisons qui ne sont pas uniquement alimentaires (p 186).
Nous sommes au siècle de Louis le neuvième (Saint Louis) et un arbre va être décoré à l’occasion de l’Assomption à l’initiative de Douceline. Chaque année après quoi, l’habitude sera respectée. Un peu comme un sapin de Noël, « on tresse des guirlandes avec des feuilles, des fleurs, des rubans (…) autour d’une image de la Vierge (…) » (p 211) que les villageois disposent sur les branches d’un hêtre. Il se trouve que le premier arbre auvergnat ainsi célébré jouxte le cimetière pour lequel « Mélinotte cultivait des roses dont les pétales étaient, tout l’été, répandus sur les tombes de ses enfants » (p 186).
Comme le fagot conciliateur entre le forgeron et l’exilé (p 106), l’arbre est fédérateur d’un projet commun (p 216) autour de « Douceline, transformée en héroïne depuis qu’elle avait entrainé le faubourg dans l’aventure de cet arbre des dames. » (p 237). « L’arbre des fées » devient « presque sacré » (p 217). Il résiste aux bourrasques et ne se dépouille que sous l’action d’une vengeance (p 240-1). Aussi appelé « la merveille » (p 217), il est « l’attraction du faubourg » autour de laquelle les fidèles se réunissent pour « caroler » (chanter).
Ce genre de cérémonie rurale se retrouve dans d’autres régions : à Donrémy, c’était un orme (p 232) qui en était honoré. Charles a transmis cette tradition à Douceline et reconnaîtra la jeune femme des années plus tard, grâce au souvenir évoqué par l’arbre décoré.
Comme le pommier et sa pomme tentatrice, l’arbre des dames ou « la merveille conduit à la débauche » (p 236), selon le chanoine. Il est vrai que la fête et les libations aidant, les sens s’égayent… La vengeance dont il est synonyme lors de sa destruction par Ménard est, faute avouée, l’occasion d’une rédemption pour le gamin perdu. Pour la jeune et belle Douceline, « cet arbre qui la rattachait en quelque sorte à ce passé qu’elle ne parvenait pas à retrouver. Ou qu’elle ne souhaitait plus retrouver » la salue (p 398), en incarnant le changement.
C’est en rappelant son titre que l’écrivaine conclut le roman sur la célébration pérennisée.
Anne Courtillé a aimé mettre en place des situations riches de détails historiques, un langage authentique pour l’époque, donnant à son texte une vivacité, autant de bruits que de couleurs. Cependant si les descriptions nous plongent véritablement dans l’ambiance du XIIIe siècle, le fil de l’intrigue (amour, amnésie) est un peu lent à se dérouler, pour finalement se boucler assez rapidement. Ce roman aurait sans doute gagné à être un peu plus court, à mon avis.
Ce livre fait partie de ma liste “Titres d’ordre végétal” ici.
Citations:
P 371 : « Ce papier de chiffon et « d’autres matières » (…) lui avait paru bien fragile ; il lui semblait que les parcheminiers avaient encore devant eux un bel avenir. »
P 371 : « On dit que le liseron des haies prit le nom de « chemise de Notre-Dame » car Dieu utilisa la corolle de ses fleurs pour coudre la chemise que portait Marie en descendant du ciel sur terre… »
P 397 : « Il parait que c’est elle [Douceline] qui a inventé cet arbre des demoiselles…/ Arbre des dames … corrigea Médard en riant. »