
Amin Maalouf, Le rocher de Tanios
Le livre de poche, 1993, 280 p
Lamia est mariée à l’intendant du cheikh qui poursuit de ses assiduités toutes les femmes du château. De ce fait, Lamia est courtisée et on ne sait véritablement si la rencontre donne lieu à la naissance de Tanios. Quoi qu’il en soit, elle donnera lieu aux rumeurs qui bien vite mineront la vie de l’enfant et celle de ses parents.C’est aussi le point de départ d’une histoire qui prendra en compte un évènement historique authentique pour raconter la vie dans un petit village du Liban.
à Kfaryabda, la vie est réglée par des traditions ancestrales : “L’émir avait de l’autorité, certes, et de l’influence, mais la montagne ne se réduisait pas à sa personne. Il y avait les communautés religieuses (…) les grandes familles et les petits seigneurs (…) les murmures sur les grand-places, le cheikh (…) en froid avec le patriarche, parce que (…)” (p 106).
Tanios se débat avec son problème d’identité et de légitimité tout au long d’un parcours à rebondissements. A partir de la rumeur jamais éteinte sur la probabilité de paternité, le village entier va bientôt être soumis aux conséquences en cascade d’un tel incident.
Si la résignation est déjà présente : “Et si l’on n’attendait jamais le meilleur en ce monde, on espérait chaque jour échapper au pire” ( p 17), la barre sera montée un peu plus chaque fois : “Le pire des gouvernants n’est pas encore celui qui te bastonne, c’est celui qui t’oblige à te bastonner toi-même” (p 153). La Montagne est en effet convoitée et écartelée entre des différentes puissances : l’Egypte, les anglais, les français, les intérêts particuliers et les désirs de revanche.
Au milieu de ce tumulte, Tanios découvre “un rocher à l’allure de siège majestueux.(…) De ce “trône” incliné (…) on aperçoit la mer./ – Regarde, c’est un signe. On dirait qu’il passe seulement pour tes yeux.” (p 135) et grâce à la sagesse du muletier, il disparaîtra pour ne laisser que sa légende et son nom au rocher : “J’ai dit à Tanios, quand nous étions ensemble sur le rocher : Si à nouveau les portes se fermaient devant toi, dis-toi bien que ce n’est pas ta vie qui s’achève, mais seulement la première de tes vies, et qu’une autre est impatiente de commencer. Embarque toi alors sur un navire, une ville t’attend” (p 135).
Cette petite histoire dans la grande histoire avec ses menus faits et incidents entraîne d’abord des évolutions encore contrôlables puis des conséquences désastreuses. Bien que Tanios arrive à s’en extirper, ce genre d’histoire recommence éternellement. Le rocher de Tanios rappelle ainsi le rocher de Sisyphe.