
Metin Arditi, L’enfant qui mesurait le monde
Points, 2016, 249 p
L’histoire se passe en Grèce sur l’île de Malaki.
Dickie (evridiki- Eudidice ) Peters (Petropoulou) est la fille d’Eliot Peters dont la famille a émigré aux États-Unis. Elle est morte par accident sur l’île et son père, revenu pour les obsèques, décide d’y rester. Eliot surmonte petit à petit son deuil grâce « Aux trois ancres qu’il [le Christ] nous a léguées pour nous aider à surmonter la tempête. Comme le trehandiri [un bateau], tenu par ses ancrages » (p 33) qui sont : 1/ le libre arbitre 2/ la résurrection 3/ le travail.
Il rencontre Maraki, une femme pêcheur et son fils Yannis, un enfant autiste. L’enfant se rassure à l’aide des chiffres, des nombres et des calculs, des formes stables émanant de l’ordre du monde (p 82). Et lorsque les choses changent (le nombre de clients au café, le poids du poisson pêché, l’ordre d’arrivée des bateaux, etc.) il réalise autant de pliages (origamis) pour réorganiser le désordre et remettre le monde en place.
En sauvegardant l’humanité (p 213) du peuple de l’île, il réunit autour de lui toute la population et restaure l’harmonie. Il devient « l’agneau de Dieu » de la réconciliation en soudant un pays écartelé entre deux projets (immobiliers), l’un lucratif mais dévastateur, l’autre moins rémunérateur mais qui rendra l’honneur perdu :
« Nier l’universalité de notre héritage, c’est faire avec la culture ce que les circonstances nous obligent à faire avec notre économie : nous en remettre à autrui. Là est la vraie humiliation ». (p 212).
Imaginé par la défunte fille d’ Eliot, le plan de l’école deviendra le compromis entre les deux nécessités.
En conclusion, je donnerai la préséance à l’auteur : « Ainsi, l’architecte avait construit l’amphithéâtre selon une double règle. La première parlait à l’œil. C’était celle du Nombre d’or. La seconde était fondée sur la racine du Nombre, c’est-à-dire son essence. De la même manière que l’on extrait l’essence d’un parfum pour en saisir toute la profondeur… En rehaussant chaque rang par rapport au précédent, l’architecte avait choisi de parler à l’âme et de l’inviter à s’élever. C’était cela qui enivrait le spectateur. Le parfum du Nombre d’Or »… Et je dirai que le vertige que Dickie a ressenti à chaque fois qu’elle se trouvait dans l’amphithéâtre et qui lui a fait perdre l’équilibre quand le chien lui a gentiment sauté aux épaules, est identique à la sensation que son père a éprouvée lorsqu’il y a pénétré et qui lui a donné l’idée de suivre l’intuition de sa fille en réhabilitant le théâtre et son enseignement : c’est la magie de la double règle du Nombre d’or.
“…qu’est-ce que la vie peut nous offrir de plus beau ? Deux choses, je crois, totalement opposées. D’abord, une énorme lucidité.[…]Et puis, le contraire absolu. La capacité de rêver” (p 242-3).