
Victoria Mas, le bal des folles
2019, Albin Michel, lu en numérique, 206 p.
Invitée à La Grande Librairie du 12/02/2020, Victoria Mas présente Le bal des folles. Je me le procure et le lis.
Le livre réunit trois histoires de femmes dans le cadre de l’institution de la Salpêtrière au XIX° siècle : Louise, violée par son oncle qui l’a fait interner et Eugénie, jeune fille de bonne famille dont le don de medium entacherait la réputation du père qui l’a fait enfermer aussi. Enfin, Geneviève est l’intendante.
Le lecteur assiste alors à l’indifférence, à la lâcheté, au mépris, en même temps qu’au fantasme, au voyeurisme sordide et à la domination d’une élite bien-pensante et sûre d’être dans son bon droit. Car si Charcot est un éminent docteur, il n’en reste pas moins imbu de sa toute puissance. Heureusement que le personnage du frère repentant vient sauver une image masculine bien mise à mal.
Le bal de la mi-carême semble inspiré par l’ancienne fête traditionnelle carnavalesque dédiée aux jeunes filles mais peut-être aussi par la « fête des Fous », ou « fête des Innocents », une mascarade organisée par le clergé en Europe dès le XII° siècle. Quoi qu’il en soit, il est attendu de part et d’autre pour des raisons différentes : les participantes se leurrent sur les intentions des fêtards et ne s’aperçoivent pas de leur répugnance; les invités viennent dans la Maison Hantée ou le Train Fantôme de la fête foraine à la mode de Paris pour se faire peur (sachant qu’ils sont bien encadrés) et s’amuser.
Le bal devient une occasion et une diversion mise à profit pour que l’action se dénoue de manière inattendue : un renversement de situation (pourtant annoncé comme une prédiction : « on prendrait pour fous et excentriques tous ceux qui, ce soir, ne sont pas censés l’être » (p 187)) modifiera le destin des trois femmes. Car l’enfermement est intérieur; pas seulement physique. L’esprit libère ou claquemure le corps, substitue l’incarcération de l’une par la fuite de l’autre, se cloître dans la tête alors que le mouvement des membres se débloque…
Ce livre polémique voile à peine les injustices d’une société patriarcale qui par des mesures de complaisance se débarrasse de femmes gênantes sans autre forme de procès que la demande d’un père, d’un mari ou d’un frère. Cette menace permanente de « punition » contrôle les femmes et les tient à la place assignée.