
Savinien de Cyrano de Bergerac, Voyage dans la lune
Gf Flammarion, 1970, 184 pages.
Dans la pièce de théâtre Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, il est fait référence de nombreuses fois à la lune : astre poétique, réputé féminin, éminemment énigmatique à l’époque.
J’ai donc poursuivi ma lecture avec le Voyage dans la lune (GF, 1970), issu de l’Histoire comique des États et Empires de la Lune parue en 1657, par Savinien de Cyrano de Bergerac, le gentilhomme qui a inspiré Edmond Rostand pour le personnage éponyme. Ce petit roman « explique » ce qui n’était pas démontré à l’époque, selon une version toute personnelle de l’auteur.
Sous couvert d’un conte comique – qui m’a rappelé Les Voyages de Gulliver, les faunes de Shakespeare, le Candide de Voltaire et le Monsieur Jourdain de Molière –, c’est une critique des travers de la société, de la religion et des coutumes. Il prône un athéisme provocateur, une liberté (sexuelle) anticonformiste et quelques nouveautés précurseurs (livres audio, par exemple !). Le texte, écrit à la première personne, cite Copernic, Galilée et disserte sur des sujets tels que l’attraction, la pesanteur, l’espace, la vie, la mort, la différence, etc., en érudit curieux sans trop de préjugés, ni scrupules.
Le procédé laisse à Bergerac toute latitude à une imagination débordante que l’on retrouve chez le Cyrano de Rostand. Il existe en effet des ressemblances frappantes au point de vue du caractère et de la vie du « vrai » Cyrano avec le Cyrano « fictif », bien que l’héroïsme de l’un soit un peu plus prononcé que celui de l’autre, d’où le succès de la pièce d’Edmond Rostand. Quant à Savinien, il reçut le soutien posthume de Charles Nodier et de Théophile Gauthier avant la consécration grâce à E. Rostand, en 1897.