
Lydie Salvayre, Pas pleurer
Points, 221 p
C’est un livre alerte bien que dramatique dans un style enlevé et plein d’humour – souvent noir mais la dérision empêche de pleurer précisément !
C’est le récit savoureux et irritant qui dérange. Une grand-mère (Montse) raconte à sa petite-fille (Lydia) les événements de 36 et son espoir infini de liberté, récit mis en parallèle par l’auteure avec celui de Georges Bernanos au travers des pages lues de. Les grands cimetières sous la lune, pamphlet qui condamne les exactions de la répression franquiste lors de la guerre civile espagnole et s’oppose fermement aux thèses de l’Action française.
Le langage passe du français à l’espagnol dans un mélange parfois joyeux et pétillant, très souvent perturbant car il casse la phrase et la complexifie (surtout pour ceux qui ne parlent pas l’espagnol couramment). Une jonglerie entre passé et présent entre souvenirs et récit (Montse jeune et Montse vieille), entre l’espagnol et le français, entre l’oral et l’écrit, le soutenu et le populaire, se montre comme une diablerie qui joue sur tous les tableaux.
Une vision bifide entre le printemps de la révolution et la massacre des innocents ; entre les républicains et les phalangistes, les révolutionnaires et les franquiste ; les communistes et les utopistes, les bigots et les lâches… Un monde qui succède au précédent dans le joie temporaire avant de retomber sous la mainmise de nouveau patrons. Bernanos prend fait et cause pour les républicains tout en dénonçant la spirale de la guerre qui enferme les individus dans des réactions collectives dont ils ne sont plus maîtres.
La typographie est très révélatrice : il y a beaucoup de majuscules et de passage en gras, de points d’exclamation et d’interrogation, il n’y a pas d’alinéa, quelques phrases ne font pas une ligne et ne se terminent pas, elles restent suspendues sans point de suspension, sans le verbe, sans rien derrière si ce n’est le vide précisément !