
Ecrit : “Anne Radieuse en son jardin”
Texte court publié sur Shortédition.
Anne Radieuse batifolait dans son jardin lorsqu’elle s’arrêta soudain.
La Montagne Pelée s’était mise à crachoter.
– J’ai peur parce que la terre a tremblé, s’écria-t-elle : man pè la tè tremblé !
La petite fille s’était mise à trembler à l’unisson. Bientôt, elle entendit un grondement sourd.
– J’ai peur parce que la terre a grondé, répéta-t-elle.
La terre s’ouvrit comme dans un grand éclat de rire. Et le rire dit :
– Je secoue les hommes et leurs habitudes, la terre ne leur est pas soumise.
Anne Radieuse couru bien vite mais la nuit la rattrapa.
– Man pè la nuit ! j’ai peur de la nuit, avoua-t-elle alors, et la nuit lui répondit :
– Il y a le jour, je suis son envers. Nie-moi et tu y verras clair.
Effrayée par ces paroles ténébreuses, elle continua à fuir sans comprendre et buta contre un cheval un peu particulier.
– J’ai peur du cheval à trois pattes : man pè chouval troi pate » reprit-elle en écho.
– Ma jolie boule de suie, je préviens trois fois avant de t’emporter:
Toc, toc, toc, es-tu prête ? Je suis la plus civile des mauvaises nouvelles.
Elle n’était pas prête, et la mauvaise nouvelle s’en retourna.
La petite boule de suie en question avait un chemin bien long à parcourir.
Elle regretta le dos du cheval à trois pattes mais pas la mauvaise nouvelle accrochée dessus.
Elle s’arrêta un peu plus loin, son doigt en l’air et la bouche ouverte :
– Sa ki pè moin : qui a peur de moi ?
Mais qui avait donc peur d’elle, en vérité ?
Sur une fleur, délicatement posé, un papillon :
– Un petit papillon jaune, je vais le caresser » murmura Anne, enfin radieuse : an ti papiyon jöne man sé lé caressé.
Mais le joli petit papillon jaune et blanc se blottit sous une feuille pour échapper à sa caresse :
– Tu as peur de moi ? Toi ?
– Aime- moi et tu me verras avec les yeux du dedans, lui signifia-t-il.
– Ça ne suffit pas, lui rétorqua la petite créole.
Et elle prit délicatement le papillon et mélangea sans le vouloir, les poudres de ses couleurs irisées.