
Jean Teulé, Fleur de tonnerre
Pocket, 260 p
Hélène cuisine toutes sortes de bonnes nourritures pour expédier ses victimes: elle est l’Ankou (en basse Bretagne) qui fauche au hasard (sauf Mathieu et deux perruquiers normands qui reviennent dans le récit plus pauvres et malheureux à chaque fois).
C’est la mort, la cruauté, la barbarie des gens qu’elle supprime avec leur malheur passé, présent ou futur aussi quelquefois, leur misère et sa désespérance. Sans user de psychologie ni de morale, le récit poursuit l’implacable destin de cette femme qui ne jouit que de la mort des autres, même de ceux qui ont été gentils avec elle.
Avec un style parfois châtié parfois vulgaire, des réflexions subtiles ou à l’emporte pièce, l’auteur raconte cette tragédie en forme de comédie funeste mais pittoresque : on se demande comment les suivants vont y passer, et toujours pourquoi ? Quelle peut être la fin d’une telle histoire ? la mort d’Hélène, bien sûr qui se venge post mortem de celle qui lui aurait donné l’idée ( ?!) lors d’un Sabah organisé par ses deux seuls rescapés (à part Mathieu qu’elle aime toujours).
La raison en serait finalement qu’elle se serait « trouvée perdue dans les angoisses de [s]es parents » qu’elle a voulu « dominer (…) prête à devenir la mort pour cela et » pour récupérer une « protection » perdue, à l’aide de sa propre domination du mal et pour que ce soit elle dont on ait peur… Fable tragique sur un traumatisme infantile né de la misère, de la superstition et de la rudesse des âmes muées en désir de devenir « importante » et « invincible ».
Entre maltraitance infantile, besoin de reconnaissance (même dans le mal), vengeance, méchanceté innée ou construite, manque d’éducation et croyances primaires, et/ou démence, il est difficile de comprendre les actes d’une femme qui aujourd’hui serait placée en hôpital psychiatrique au lieu d’être décapitée.
L’adaptation cinématographique est passée à la télévision. Je regarde toujours par curiosité et par intérêt. Je compare les deux versions, écrite et visuelle. Dans bien des cas – et c’est le cas ici – le film est plus court. Pour Fleur de tonnerre, je regrette que la toute fin ait été tronquée: elle donnait un écho et un retentissement plus cruel encore. La chronologie (linéaire dans le livre) est un peu malmenée dans le film mais crée davantage de suspens, peut-être?
Autre œuvre de Jean Teulé dont j’ai vu le film: Les lois de la gravité. Le dialogue entre une policière (Miou Miou) et une femme qui s’accuse d’avoir poussé son mari qui lui faisait du chantage affectif au suicide pour la maltraiter, l’exploiter et la harceler (Sophie Marceau) est troublant.
La mère de famille se constitue prisonnière afin d’être reconnue coupable et en même temps victime. Face à son fils qui la tourmente sans arrêt jusqu’à épuisement moral, elle veut prouver qu’elle a subi mais qu’elle s’est aussi révoltée. Elle agit enfin pour que son fils ait une autre image de sa mère et de la justice…