
Marie Sizun, La femme de l’Allemand
Arléa, 2007, 243 p
Roman entièrement écrit à la deuxième personne du singulier « tu », sauf pour les deux dernières pages où la fillette prend la main d’un « je » narratif pour conclure. Au début, cette originalité perturbe un peu, puis le lecteur s’habitue et adhère. Pourtant qui parle ? À qui ? Qui raconte à la fillette sa propre histoire, Élisa ? Ou bien est-ce Marion qui s’adresse au lecteur en le prenant à témoin ? Ou encore une troisième personne, mystique, irréelle, comme sa mère, ou Marion elle-même qui a besoin de se mettre à distance pour se parler comme à un double ?
C’est un roman-coup de poing d’une violence psychologique inouïe, assénée à mots répétés, à phrases courtes, incisives et brutales, sur un ton haché, brisé comme la vie qu’il raconte, avec des éclipses de mots comme de sens, des non-dits et des contradictions. Des paires de sentiments s’affrontent tout du long : amour et effroi, beauté et folie, honte et dépendance, vie et mort. Elles traduisent une blessure située dans le présent grammatical, celui de la douleur qui ne passera pas.
Un amour interdit, scandaleux est prétexte au rejet de la difficile différence, hors cadre et hors pardon. Puis, la « cure » par électrochocs « bouche les trous d’une histoire muette », efface le passé et détruit l’avenir.
Citation p 233 : « Elles forment toutes les deux comme une île où personne n’a accès. »