
Yojana Sharma, Les jardins de Mardpur
1999, Le livre de poche, 703 p (Titre original : The Buffalo Thief)
Mardpur, petite ville près du Gange, en Inde.
Le titre original (The Buffalo Thief : le voleur de buffle) revient à la bufflonne Jhotta. Elle est en effet la ligne directrice du roman. Son lait, dont on fait un succulent yaourt est une providence et un soucis tout au long du roman. Il recèlerait des vertus miraculeuses…Raman, un modeste marchand de saris n’a pas de dot à offrir à ses filles à marier. Il décide d’écrire un roman en complément de revenus et recherche la compagnie d’Amma et de sa bufflonne afin de stimuler son imagination. Le livre qu’il écrit, la riche veuve le voit en son for intérieur (elle est aveugle ou simule de l’être plus qu’elle ne l’est en réalité). Elle a l’intuition de son déroulement, guide – sans le paraître – son auteur en panne d’inspiration, le pousse à continuer ( p 141).
L’écrivain en herbe devient un auteur à succès de la même manière qu’il passe d’une gracieuse naïveté à une légère forfanterie :”Jagat Singh est en prison, c’est la fin. Je ne veux plus rien savoir de ce qu’il pense ni de ce qu’il mijote!” (p 533).
Le titre français consacre, quant à lui, le thème des jardins : celui de Jagdishpuri Extension : “un endroit agréable” (p 623) et ses “bons moments insouciants qu’elle [Deepa] y avait passées” ( p 623), et du jardin aux lychees ( p 611) dont les ” arbres sont les meilleurs lychees de toute la plaine du Gange!” (p 689), qu’il s’agit de ne pas “perdre” ( p 690). C’est là que se retire Raman, n’entretenant plus que “fort peu de communication [avec] le monde extérieur” ( p 690).
Parallèlement, il y a une histoire de chasse au trésor, d’héritage supposé en bijoux, une passation bien compliquée en fait : “Mais Deepa savait qu’Usha croyait elle aussi qu’Amma avait un trésor caché. Comme les fantômes d’Usha, le trésor était là, mais il ne deviendrait visible qu’à la personne qui le découvrirait le moment venu.” ( p 97). Mais si “Le trésor est pour celui qui prend son destin entre ses mains” ( p 692), il sera tout de même découvert bel et bien à la toute fin.
Les couleurs de l’Inde, sa poésie des noms (non traduits car impossible), ses traditions séculaires, ses Dieux, ses fantômes, sa cuisine aux noms évocateurs et aux descriptions appétissantes (les confits de mangue, les chapatis, etc.) et sa chaleur caniculaire servent de canevas à une profusion de vie comme de parole, et de bienveillance.
“Baoli Maai, Baoli Maai,
Kahan se hai?
Koi jan na paai”
(la folle, la folle,
d’où vient-tu?
ça personne ne l’a jamais su”) ( p 95).