Loïc Josse, Marquises, Si lointaine Terre des Hommes
Nevicata, N* Collection L’Âme des Peuples, 2021, 91 pages
Livre reçu dans le cadre de l’opération « Masse Critique » de Babelio que je remercie ainsi que les éditions mentionnées.
Notons tout d’abord que ce livre n’est pas un guide touristique, ni un récit de voyage, encore moins une nouvelle.Ce petit format de texte se rapproche d’un essai-témoignage mêlant histoire, sociologie, économie et politique dont les deux parties compose l’aperçu.
La première raconte l’attachement de Loïc Josse à une terre qui représente une rencontre, du fait de son passé “sauvage”, de son présent fort de sa résilience et de son avenir fier de son authenticité.
Écrit dans une prose claire et modeste, il s’agit davantage d’un constat que d’un partage d’émotions personnelles que l’on devine pourtant sous-jacentes. Ni exotisme superflu et trompeur, ni éloge dithyrambique.
On regrette cependant certains détails manquants, sur la vie quotidienne, la faune, la flore, etc.
L’insertion des mots marquisiens donne le relief du vivant à l’ensemble. Les rapports sont simples : “Le tutoiement est généralisé et “naturel” en Polynésie. Le vouvoiement peut apparaître comme distant, voire hautain”(p 61, note ). Quant à la notion du temps, le présent et le passé se confondent (p 75 ). C’est un état de la langue qui semble vouloir garder présent les évènements et renforcer ainsi la transmission directe, l’enseignement et la culture, par la tradition orale.
La deuxième partie est constituée de trois entretiens, complémentaires par la spontanéité de la conversation et la personnalité des intervenants.
Cette terre peu peuplée est la plus isolée au monde. Elle a attiré des voyageurs célèbres tels que Herman Melville, J. L. Stevenson ou Jack London, puis Victor Segalen, Paul Gauguin et Jacques Brel, ces deux derniers y étant enterrés.
La solitude a deux conséquences : un atout et son revers. Elle a maintenu le caractère unique de ce peuple qui en garde la fierté. En revanche, elle le fragilise à l’heure de la mondialisation.
L’avenir dira si Les Marquises deviendront aussi recherchées que Tahiti, son référent le plus proche dans l’archipel polynésien français.
Citations :
– p 61 : ” Cela m’a toujours un peu choquée, dans tous les livres que j’ai pu lire sur les Marquises, cette vision qu’ont les étrangers, les visiteurs, qui y transposent leurs rêves, leurs idées, et nomment les différents lieux sans tenir compte de leurs noms originels (…)”.
Un petit plus. Voici la chanson de Jacques Brel (1977) :
Les Marquises
Ils parlent de la mort
Comme tu parles d’un fruit
Ils regardent la mer
Comme tu regardes un puit
Les femmes sont lascives
Au soleil redouté
Et s’il n’y a pas d’hiver
Cela n’est pas l’été
La pluie est traversière
Elle bat de grain en grain
Quelques vieux chevaux blancs
Qui fredonnent Gauguin
Et par manque de brise
Le temps s’immobilise
Aux Marquises
Du soir montent des feux
Et des points de silence
Qui vont s’élargissant
Et la lune s’avance
Et la mer se déchire
Infiniment brisée
Par des rochers qui prirent
Des prénoms affolés
Et puis plus loin des chiens
Des chants de repentance
Et quelques pas de deux
Et quelques pas de danse
Et la nuit est soumise
Et l’alizé se brise
Aux Marquises
Le rire est dans le cœur
Le mot dans le regard
Le cœur est voyageur
L’avenir est au hasard
Et passent des cocotiers
Qui écrivent des chants d’amour
Que les sœurs d’alentour
Ignorent d’ignorer
Les pirogues s’en vont
Les pirogues s’en viennent
Et mes souvenirs deviennent
Ce que les vieux en font
Veux tu que je te dise
Gémir n’est pas de mise
Aux Marquises
(À écouter en cliquant ici.)
Le ton s’ajuste à ce que Loïc Josse transcrit dans cet essai.