Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet
Édité en 1881, Folio, lu en numérique (Project Gutenberg 2004, 511 pages).
Nous sommes en 1839, Bouvard et Pécuchet se rencontrent et une sympathie qui se transforme en amitié durable se noue immédiatement. Ils sont célibataire pour l’un et veuf sans enfant pour l’autre, copistes de 47 ans tous les deux. L’un hérite, l’autre attend la retraite avant de partir ensemble à la campagne, dans le calvados où ils ont acheté le domaine de Chavignolles.
S’ensuit une aventure épique au cours de laquelle les efforts, les épreuves, les tentatives et les échecs se multiplient. Le manque d’expérience malgré un savoir livresque (qui se contredit) acquis grâce à une dévotion acharnée (mais sans discernement), les notables qui les méprisent, les paysans qui rechignent à l’ouvrage, profite d’eux et les trompent, et le projet prend une tournure improbable.
Les deux amis sont comme deux enfants : ils jouent à toucher à tout, ils s’aventurent au moindre caprice, à la moindre tentation, ils ont foi dans leur intuition mais n’apprennent pas de leurs échecs, n’en tirent aucune leçon, et la ruine approche…
Partis pour exploiter les ressources d’une ferme, les deux acolytes s’initient au jardinage et à l’agriculture. De fil en aiguille, ils s’instruisent sur la conservation des aliments. Par glissements successifs, ils s’essaient à la chimie, l’anatomie, la médecine, la physiologie, la nutrition, l’hygiène l’astronomie, les animaux, la géologie, l’archéologie, l’éducation des enfants, la pédagogie des adultes… C’est là que la liste s’achève. Elle aurait pu être remaniée (pour réduire les 500 pages déjà écrites par exemple, ce qui aurait peut-être bénéficié à l’œuvre d’une manière ou d’une autre ( ?) : Flaubert aurait pu l’avoir terminée, et sa trame aurait gagné en concision ( ?)), mais ne l’a pas été.
La quête insatiable vire au déraisonnable alors que l’empathie gagne le lecteur et la lectrice vis à vis des deux inséparables compères . Gustave Flaubert se plaît à épingler les ridicules de ses deux anti-héros mais également les lâchetés et la bêtise de ses contemporains. Pour ces caricatures burlesques qui peuvent rappeler à certains égards Voltaire, Molière ou Daumier, l’humour et la causticité de l’auteur sont sans répit. Et c’est sur ces gens bien-pensant, rigides, qui excluent l’étranger et l’étrangeté que le blâme se pose, tout en sourires.
Citations:
– p 69 : “et au milieu du gazon se dressait un rocher, pareil à une gigantesque pomme de terre.”
– p 75 : “Les rideaux s’ouvrirent, et le jardin apparut./ C’était dans le crépuscule, quelque chose d’effrayant.”
– p 108 : “Enfin au grand scandale de M. le curé, ils avaient pris la mode nouvelle d’introduire des thermomètres dans les derrières.”