Pierre Merle, Panorama aussi raisonné que possible De nos…
Fetjaine, La Martinière Groupe, 257 p
Répertoire expliqué et commenté des tics de langage en français.
Le tic est un mot, une onomatopée ou une expression dont la fréquence est attestée mais dont la surutilisation provoque l’écœurement ( p 104).
Qu’il soit produit par paresse ou pour suivre le diktat de la mode, il est inconscient (collectif ou individuel) ou montrer un désir d’appartenance à un groupe (genre, classe sociale, etc.). Il peut se résumer à un pur psittacisme (effet perroquet).
Il exprime la surenchère, l’excès, la frime, ou au contraire édulcorer sa position par rapport à une situation délicate : le mot est alors un rempart derrière lequel se cacher, une béquille pour se soutenir, un complice ou un cocon confortable. Oxymore ou litote, il est politiquement correct et permet de se mettre à distance. D’une image, métaphore ou périphrase, il produit le flou et la confusion qu’elle soit voulue ou pas, comme lorsque dans un certain espace public on parle pour ne rien dire : il tourne au procédé, à la facilité. Il revêt aussi la forme d’une ponctuation virile, agressive ou provocante pour s’affirmer devant un interlocuteur. Plus rarement, il travestit un blanc en réflexion. Mais ceci n’est qu’un bref panorama de ses qualités et défauts.
Le ton de l’ouvrage n’est ni professoral ni pompeux mais plutôt familier et humoristique (référence à Daninos), voire sarcastique. Il est drôle et anecdotique : son langage « popu », sa « jactance » ne recule pas devant un mot grossier (« faux cul ») ou une abréviation courante (« rédac chef »). Parfois la critique se fait virulente, un chouïa antiféministe (il appuie volontiers sur les bourdes des femmes et en se défendant d’être macho ou obsédé par le sexe, il attire l’attention sur le fait qu’il y fait tout de même référence (p 200, 201, 230, 247…). Les hommes n’ont pas le monopole des clichés, j’en conviens aisément). On pourrait voir poindre une certaine amertume (p 144) lorsqu’il parle de ringardise et de purisme (p 239), et s’il dénonce l’esprit français qui abuse du jeu de mot et du calembour, on ne peut pas dire qu’il s’en prive lui-même. Eh bien, je suis française et j’apprécie donc !
Le livre a été édité en 2008. Douze ans après on pourrait ajouter au répertoire (non exhaustif) quelques verbes et expressions. Par exemple : « j’dis ça, j’dis rien ! », « impacter », « acter », « j’ai envie de dire », « on ne va pas se mentir », et le tutoiement accompagné du simple prénom quasi systématiquement : un américanisme qui fait suite à un franglais devenu omniprésent. Entre autres.
On peut alors comprendre le tic comme un appauvrissement de la langue, en tous sens, mais il reste néanmoins humain voire indispensable ( !) selon l’auteur. Il s’agit encore une fois de ne pas abuser. Pierre Merle joue le jeu de l’autocritique pour montrer l’exemple et enjoint le lecteur à en faire de même. Que l’on soit d’accord avec ses commentaires, il n’en reste pas moins que son analyse est claire, amusante, actuelle et opportune.