Khaled Hosseini, Les cerfs-volants de Kaboul
10/18 domaine étranger, 406 p
et Latifa, Visage volé, Le Livre de Poche, 239 p
Afghanistan, Kaboul, 1975-2002. Après l’invasion des soviétiques, le riche père (baba) et son fils, pachtounes, s’enfuient aux Etats-Unis en laissant Ali et Hassan, leurs domestiques hazaras. À la mort d’Hassan et de sa femme, abattus par les Taliban, Amir est appelé par Rahim (un ancien ami) et rappelé par son propre passé. Il retourne en Afghanistan pour retrouver dans un orphelinat le fils d’Hassan, son frère de lait. Il rencontre Assef qui a volé (et violé) l’enfant et qui tabasse Amir presque à mort. Le petit garçon Sohrab, tel David contre Goliath le sauve in extremis. Devant la quasi impossibilité d’adopter, l’enfant tente de se suicider pour ne pas retourner à l’orphelinat. Amir réussit à le ramener aux Etats-Unis. Grâce aux cerfs volants (tant aimés dans l’enfance d’Amir et d’Hassan), Sohrab reprend goût à la vie.
Malgré les défauts du petit garçon (sa lâcheté à soutenir son ami-Hassan, sa peur devant Assef, jeune tortionnaire (adorateur de l’extrême droite qui devient un chef Taliban), sa mesquinerie et sa condescendance dues au fait d’être né dans la caste dominante, sa jalousie dans la course à l’amour paternel, ses trahisons), malgré son amitié pour un garçon dont l’honneur et la dignité marquent sa supériorité, l’homme que devient Amir se rachète avec le courage presque suicidaire qu’il met à reprendre Sohrab à Assef, avec sa fidélité à Hassan (dont il apprend qu’il est le demi-frère par la faute paternelle) au-delà de la mort et la dévotion dont il entoure le petit, son demi-neveu, son seul enfant.
Cette histoire embarque le lecteur dans un roman sur un pays ravagé par la folie d’un groupe extrémiste. La narration en flash-back nous transporte après les événements, dans les ruines et dans le passé d’une amitié. Le récit retrace avec une sensibilité, des mots qui sonnent justes et bien (“Pour toi, un millier de fois”), de scènes révoltantes décrites avec simplicité et pudeur et une fierté intactes des beautés d’un pays vivant et coloré.
Voir la bande annonce du film ici (passer la pub bien sûr; le trailer est en anglais mais le film est disponible en français).
Notes: manger des “excréments” devient manger de la “boue”, l’agression d’Hassan est moins “visuelle” que lorsqu’elle est décrite dans le livre; il y a quelques coupures: le retour de la mère de Sohrab, la tentative de suicide de Sohrab et son mutisme pendant des mois, le lynchage d’Amir est moins gravissime (les dents, les côtes,etc.)… Ce sont des tris, raccourcis, ou édulcoration pour raisons cinématographiques et grand public.
Le décor années 70 est respecté et projette bien dans le passé; le contraste entre bonheur perdu et présent mortifère est bien marqué; la “rédemption” est bien au cœur de l’histoire sans tomber dans un héroïsme familial (égoïsme et honte mêlés) ou national (il a fui et ne revient qu’à reculons). Si le film est un peu lent parfois, il se démarque nettement des productions tire-larmes hollywoodiennes.
Latifa, Visage volé, raconte les faits qui se sont produits à Kaboul, sous un angle plus féminin :
Latifa (pseudonyme) issue d’une famille d’intellectuels, veut devenir journaliste. Jusqu’à ses 16 ans, sa vie est confiante. Le 16 septembre 1996, son monde bascule. Si les hommes sont embrigadés, les femmes survivent dans un univers devenu carcéral, vide et abrutissant, avilissant, et à terme fatal. Grâce à l’aide du journal Elle, en France, Latifa fuit et témoigne pour son peuple “abandonné de tous” qui subit “des règles inhumaines et contraires au Livre saint”. Leurs pires ennemis ne sont pas tous afghans, mais pakistanais, arabes venus d’autres pays musulmans, et étrangers.
Elle écrit : “Les décrets, qui succèdent aux décrets sans aucun souci de cohérence, me paraissent pourtant découler d’une logique certaine : l’extermination de la femme afghane […puisqu’] interdire aux femmes de se faire soigner par un homme quand, dans le même temps, on leur interdit d’exercer un métier, y compris celui de médecin, c’est bien vouloir les détruire”.